Chef d'oeuvre artistique de David Cronenberg
A la fois un film de science-fiction et d'anticipation, un conte d'horreur répugnant, et une histoire d'amour interdit, le film que nous offre David Cronenberg est un chef d'oeuvre artistique aux allures kafkaiennes qui surpasse l'original de 1958.
En observant l'affiche du film – cette espèce de forme ovale verte plongée dans le noir et dégageant une lumière blanche intense dans laquelle on retrouve un bras humain et une patte de mouche géante – on repense facilement à l'affiche d' "Alien" sorti en 1979, et on pourrait croire que ce film n'est encore qu'un nouvel essai dans le domaine de la science-fiction et de l'horreur avec créature répugnante car, après tout, le genre était en vogue à l'époque. Seulement, ce remake de "La Mouche" de 1958 se révèle être un excellent film.
Il n'y a rien à critiquer dans la mise en scène de David Cronenberg. C'est avec une précision et un soin formidables qu'il amène les différents élénements dans l'histoire et nous identifie aux personnages, à commencer par Seth Brundle, un scientifique sur le point de révolutionner la science grâce à la machine de télétransporation qu'il a inventée. Jeff Goldblum ("Jurassic Park I & II") rentre parfaitement dans ce rôle d'homme de science ambitieux. Il va se servir de son invention, qui n'est pas encore tout a fait au point, pour se télétransporter lui-même. Seulement, lors de son voyage dans l'espace-temps, il fusionne avec une mouche qui s'était infiltrée dans la machine pour se transformer en un être mutant qui, peu à peu, va adopter un physique mi-humain mi-insecte.
Cela dit, si ce synopsis peut avoir l'air banal et peu original dans le cadre purement science-fictionnel, le film se montre beaucoup plus intelligent et constructif que cela, car "La Mouche" est avant tout une histoire d'amour entre deux êtres: Brundle et une journaliste incarnée par Geena Davis ("Thelma & Louise"), la compagne de Goldblum à l'époque. Le film nous montre ce qu'une transformation – qu'elle soit d'ordre mutant ou pas – peut avoir comme répercussions dans une vie relationnelle. Un monsieur-tout-le-monde avait vu en "Alien" une métaphore du cancer. Son interprétation personnelle, qui n'était pas voulue à la base, serait déjà beaucoup plus compréhensible si on la reportait à "La Mouche"...
Imaginez un instant que la lente transformation de Brundle en mouche soit une métaphore du cancer et de la transformation – tant physique que mentale – que cette maladie implique. Cronenberg se sert de l'histoire de "La Mouche", l'imprègne de références à "La Métamorphose" de Franz Kafka et en fait une oeuvre pleine de sens, plutôt que de faire sombrer son film dans un spectacle d'horreur avec une créature effrayant tout le monde sur son passage. La créature de ce film est, en dépis de sa nature bestiale, dotée d'un esprit humain, ce qui fait d'elle à la fois une victime et un monstre. Voilà bien une créature digne de Frankenstein, Dracula ou encore du loup-garou. La meilleure comparaison reste encore celle de la bête dans "La Belle et la Bête". Et c'est en cela que le film gagne en expressivité.
Les acteurs et la musique d'Howard Shore parviennent à cerner le côté tragique du récit, qui en devient nettemment plus beau et d'autant plus touchant. D'un autre côté, on peut également porter un regard sur l'explication scientifique du phénomène, propre à la science-fiction ou, encore mieux, au récit d'anticipation, et nous poser des questions quant aux problèmes et à la garantie de la sécurité des progrès de la science. Mais c'est avant tout – comme il a déjà été dit – une histoire d'amour perturbée par un changement que Cronenberg nous offre-là. Un film unique en son genre, très diversifié et porteur d'un regard juste sur l'humanité.