On comprend que le personnage d’Earl Stone ait séduit Clint Eatswood au point qu’il soit sorti de sa retraite d’acteur. Ce papi égoïste, obtus, au caractère bien trempé, mais bonne pâte tout de même, ne serait-ce pas son alter ego ? Car si Eastwood, à l’instar de Stone, est toujours aussi vivant aujourd’hui c’est sans doute grâce à ses films (quand Earl Stone, lui, se raccroche à ses fleurs), et au rythme effréné qu’il s’impose. Mais plus le réalisateur américain se rapproche de son dernier souffle, plus ses films respirent une forme de sérénité, même dans l’adversité : qu’on se remémore Sully et le visage éternellement tranquille de ce commandant de bord soumis à une pression énorme. Le dernier baroud d’honneur que constituait Gran Torino semble ici très loin : Earl Stone/Eastwood ne lèvera sans doute plus jamais le petit doigt sur personne, se contentant de profiter au maximum du peu de vie qui lui reste, au détriment de tous ceux qui l’entourent. Si le ton du film peut sembler étonnamment léger étant donné la thématique (un vieillard utilisé par les cartels pour transporter de la drogue d’un point A à un point B), La Mule, souvent drôle, nous submerge d’émotion aux moments où l’on s’y attend le moins (Earl Stone faisant la fiesta avec un parrain, les confessions sur l’oreiller avec son ex-femme), évoquant à l’occasion les fantômes doux amers de Sur la route de Madison ou Les Pleins Pouvoirs. En guise de thriller ou drame crépusculaire façon Mystic River ou L’Échange, La Mule se révèle être d’une tendresse et d’un optimisme tout à fait revigorants, à l’opposée de ce que l’on pourrait attendre d’un homme au crépuscule de sa vie, qui doit inévitablement se pencher sur le bilan de ses réussites et ses échecs.

Francois-Corda
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2019

Créée

le 26 mars 2019

Modifiée

le 4 juin 2024

Critique lue 179 fois

François Lam

Écrit par

Critique lue 179 fois

D'autres avis sur La Mule

La Mule
Sergent_Pepper
6

Aging mule

Alors qu’il n’avait plus joué devant sa propre caméra depuis 10 ans (Gran Torino), laissant la place à d’autres personnage en phase avec sa représentation bien trempée du héros à l’américaine, Clint...

le 24 janv. 2019

101 j'aime

4

La Mule
oso
5

Le prix du temps

J’avais pourtant envie de la caresser dans le sens du poil cette mule prometteuse, dernier destrier en date du blondinet virtuose de la gâchette qui a su, au fil de sa carrière, prouver qu’il était...

Par

le 26 janv. 2019

83 j'aime

4

La Mule
-Marc-
9

Sérénitude

Qu’as-tu fait, ô toi que voilà Pleurant sans cesse, Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà, De ta jeunesse ? Paul Verlaine, Sagesse (1881) Earl fait faillite. Tous ses biens sont saisis. Il ne peut se...

le 3 févr. 2019

51 j'aime

Du même critique

Les Chambres rouges
Francois-Corda
4

Les siestes blanches

La salle de procès qui introduit Les Chambres rouges est d'un blanc immaculé et incarne aussi bien l'inoffensivité de son propos que le vide existentiel qui traverse son héroïne Kelly-Anne. On ne...

le 24 janv. 2024

8 j'aime

2

Civil War
Francois-Corda
5

Critique de Civil War par François Lam

En interview dans le numéro d’avril de Mad Movies, Alex Garland se réclame d’un cinéma adulte qui ne donnerait pas toutes les clés de compréhension aux spectateurs, à l’instar du récent Anatomie...

le 21 avr. 2024

5 j'aime

Only God Was Above Us
Francois-Corda
6

Pas encore mais ça ne saurait tarder ?

FIP, une nuit comme une autre en voiture. L’oreille se dresse à l’écoute d’un bel arpège de guitare réhaussé par un arrangement rythmique somptueux. Et puis cette voix. Aussi nul sois-je en blind...

le 7 mai 2024

4 j'aime

6