La Nonne
4.1
La Nonne

Film de Corin Hardy (2018)

Découverte dans Conjuring 2 : Le cas Enfield, La Nonne aura marqué l'imaginaire collectif comme une nouvelle figure emblématique et terrifiante du cinéma d'épouvante/horreur. Alors qu'une petite référence lui était faîte dans le très sympathique Annabelle 2 : La Création du mal, elle devait forcément avoir droit à son film "solo", spin-off sorti l'année dernière qui n'aura pas fait grand bruit, et pour lequel une suite est déjà prévue.


Ce n'est d'ailleurs pas pour rien s'il est passé relativement inaperçu, et qu'il y ait un projet de trilogie : à l'instar du premier Annabelle, ce premier La Nonne n'est qu'une introduction un peu inoffensive, qui à défaut de nous en apprendre vraiment sur le personnage nous apportera au moins de jolis frissons et une histoire religieuse portée sur un lieu intéressant du cinéma d'épouvante, les abbayes hantées.


Sur un principe de base prometteur, le très peu expérimenté Corin Hardy (il réalisait ici son second long-métrage) nous livre le film le plus sombre de la saga, soit avec le moins de lumières. A peine éclairé, on serait presque tenté de lui suggérer d'utiliser des projo intérieurs plutôt que de la lumière presque exclusivement extérieure, histoire de rendre son film un poil plus lisible et moins brouillon.


C'est d'autant plus regrettable qu'il ne filme pas mal son action et son épouvante, s'inspirant certes du patron Wan mais développant ses propres manières de jouer avec les certitudes des spectateurs (la scène de prière des nonnes est un moment fort de la franchise). Loin d'être révolutionnaire, Hardy est typiquement le genre de metteur en scène de série b qui ne fait pas date dans l'histoire du cinéma mais proposera, dans toute sa carrière, des petits films sympathiques et divertissants.


C'est tout ce qu'est La Nonne : série b sans grande imagination, elle développe avec soin un univers riche et passionnant (qui se serait dit à la première scène des Dossiers Warren que cette petite poupée allait changer le marché du cinéma horrifique des années 2010?), donnant du corps à une figure emblématique de ceux qui sont en quête de frissons et d'arrêts cardiaques. Que les amateurs de jumpscares se rassurent, ils en trouveront à la pelle.


Pas non plus trop prévisibles, ils sont rendus acceptables par l'atmosphère de malaise intense qui règne tout du long, et que les interprètes rendent plutôt bien; pas tous très talentueux, on en trouve certaines qui ressortent mieux que d'autre, de l'empathique Ingrid Bisu à la courage Taissa Farmiga (la revoir dans la saga serait un plaisir, vu son dynamisme et son bon jeu), en passant, bien sûr, par l'interprète de la Nonne, Bonnie Aarons, cachée sous des kilos de maquillage et de numérique.


Si le moment d'angoisse n'est pas rattrapé par la banalité de certains effets (les jumpscares cités et quelques incrustation numériques ratées), il est permis par cette noirceur d'éclairage pourtant gênante pour l'instauration de certaines scènes de tension, que le film gâche également par un montage un poil hasardeux et parfois bordélique. D'autant plus que La Nonne pâtit d'un défaut important qu'il est nécessaire d'aborder.


Corin Hardy est incapable de poser la structure de son abbaye, d'en proposer un plan au spectateur : perdus qu'on est dans un lieu qu'on ne sait pas agencer, l'absence de repères empêche de développer certaines possibilités d'appréhension. Alors que le réalisateur joue sur une chambre renfermant un secret certain, l'approche de cette chambre, tant qu'on ne la voit pas dans le cadre, ne peut entraîner aucun sentiment d'effroi, puisqu'on ne sait pas où elle se situe et où la caméra se ballade dans le plan de l'abbaye.


Erreur de débutant (ou incapacité de placer son action dans l'espace, ce qui est aussi possible et corrélatif) qui coûte cher au film, on passe son temps à se demander où vont les personnages, jusqu'au bordel ultime, quand les trois héros devront se rejoindre à l'issue d'épreuves que chacun rencontrera sans qu'on ne puisse mesurer leur avancée dans les couloirs, et forcément évaluer le temps qu'il leur reste avant de se retrouver.


Sans impression de course contre la montre, La Nonne s'enferme dans une linéarité visuelle autant que narrative de son action, qu'elle met difficilement en place. Si cela marche vers la fin, on ressent toujours cette linéarité médiocre au moment des combats finaux derrière la porte secrète, avec une armée de zombies immobiles et séries b, preuve supplémentaire que cette nouvelle déclinaison de l'univers de Conjuring rend hommage à toute cette nunsploitation révélatrice d'une époque érotico-horrifique, en plus de citer des réalisateurs tels que George Romero, John Carpenter ou David Cronenberg.


Évidemment médiocre, La Nonne demeure un bon divertissement très prévisible, et l'on s'y attendait; c'est à dire qu'il est si prévisible qu'il était prévisible qu'il le serait. Il ne réinvente pas le genre mais propose de petits moments d'angoisse porté par le pouvoir mythologique et austère de son bon décors, plus impressionnant dans les rares plans où on le voit de jour. Reste à noter une jolie conclusion faisant un lien bienvenu avec Conjuring : Les Dossiers Warren, en donnant de la profondeur à une image marquante et importante du premier film.


La Nonne est décidément plus importante que ce que l'on pensait.

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le 22 sept. 2019

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FloBerne

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