Le film de Huston baigne dans une atmosphère touffue, humide et oppressante. Jamais la sexualité n’est montrée explicitement – à l’exclusion d’une scène où le personnage d’Ava Gardner ,époustouflante de beauté, se trouve entouré de ses deux boys, les pieds dans une mer agitée et sombre- mais elle transpire à chaque scène.
Tous les personnages se définissent par leur sexualité. La vieille fille violente et aigrie qui hait les hommes et refoule son homosexualité, la jeune Lolita folle de son jeune corps et qui n’en peut plus d’attendre la perte de sa virginité, le pasteur refoulé trop sensuel et qui peine à contenir ses pulsions, la vieille fille qui a trouvé dans l’art un moyen de refouler une sexualité dont il ne reste plus rien et enfin la femme sensuelle qui ne se satisfait plus des services de ses jeunes boys ; pour elle, la chair est devenue triste et elle veut accéder enfin à l’amour.
Chacun cherche à assumer ou à surmonter une sensualité débordante . Et le meilleur moyen n'est pas de céder à cette sensualité, le film montre que c'est toujours destructeur ou éphémère. Le personnage apaisé et frigide joué par D. Kerr le prouve. Les seules solutions sont la sublimation ou l'amour .
Ce joli bal de frustrés se cherche, s’affronte, se fuit, se trouve parfois. Vision très pessimiste et limitée de l’Homme mais qui fonctionne . Déjà parce que c’est superbement filmé, aussi parce que les dialogues sont profondément maîtrisés mais surtout parce que la sexualité est partout présente mais montrée nulle part. Son pouvoir en est décuplé et éclate à l’écran. Une belle leçon à méditer pour certains de nos réalisateurs contemporains : nul besoin d’étaler des corps nus ou des scènes de sexe. L’étalage, bien au contraire, parce qu’il expose à la lumière, banalise et affadit . Il appauvrit ce qui est puissant parce que souterrain . Voilà une des raisons qui rendrait –presque...- la censure souhaitable tant elle a permis la création de grandes œuvres !