Après Kazan, réalisateur privilégié des pièces de Tennessee Williams, c'est Huston qui adapte l'oeuvre du dramaturge écrite en 1961: portrait d'un pasteur pas-comme-les-autres, le Révérend Lawrence Shannon, suspendu de ses fonctions pour cause de fornication et conduite indigne.
Une première scène qui s'ouvre sur le Pasteur en chaire, tonnant et accusateur, faisant fuir toute la congrégation des fidèles venus là pour le juger.
Et le voilà reconverti en guide de voyage : " le monde de Dieu vu par un homme de Dieu", accompagnateur privilégié d'un car de vieilles américaines en goguette à travers le Mexique...
Mais la jeune et jolie Charlotte, (Sue Lyon très Lolita) nièce peu farouche d'une certaine Miss Fellowes, vieille fille refoulée, va jeter son dévolu sur cet homme mûr et séduisant qui la change de son chaperon rigide et frustré.
Le refuge d'une nuit nous transporte dans un hôtel , face à l'océan, qui surplombe la jungle mexicaine, tenu par Maxine, veuve d'un de ses amis, femme libérée et voluptueuse, entourée de ses boys, éphèbes bronzés dansant au son des maracas , et c'est dans cet endroit isolé, à l'écart de tout, censé représenter le paradis terrestre, à moins que ce ne soit le paradis perdu, que les tensions et les blessures intimes vont se révéler.
Réflexion intense sur la solitude des êtres, leur complexité, la plus belle scène, la plus bouleversante étant sans conteste celle où Hannah, douce artiste bohème toute dévouée à son grand-père poète de son état, se laisse aller à une sorte de confession de ce que fut sa vie, ou plutôt son manque de vie, tandis que le vieil homme, son "nonno", lui dicte ses derniers vers.
Richard Burton livre une composition étonnante dans ce personnage de pasteur alcoolique et charnel aux prises avec trois visages de la Femme: la nymphette, la femme fatale et la femme douce, celle qui a oublié de vivre, et il faut saluer à cet égard les prestations exceptionnelles d'Ava Gardner et surtout de Deborah Kerr, magnifique de sobriété et de vérité.
Un film intense et prenant.