C'est le premier film de Kinuyo Tanaka réalisatrice, fidèle actrice de Kenji Mizoguchi, que je vois, et j'ai beaucoup apprécié le point de vue féminin, dans le cadre du cinéma japonais des années 60, porté sur le thème de la prostitution, et plus précisément sur l'impact social qu'a pu avoir son abolition suite à la loi de 1956. J'avais déjà entendu parler de ces maisons de réhabilitation, un lieu où étaient envoyées les femmes prises en flagrant délit de prostitution, pour une durée de 6 mois. Une maison de réinsertion pour anciennes prostituées en somme, où elles apprenaient de nouveaux métiers.
Le portrait semi-choral (bien que focalisé sur la jeune Kuniko) est très élégant, mais à mon goût le mélodrame avance avec ses clichés un peu trop explicités, de telle sorte que l'acharnement du sort devient davantage un élément de scénario affleurant qu'un sujet qui prend au cœur et aux tripes. D'un côté la bienveillance de la directrice de l'institution, de l'autre la bassesse de toutes les personnes auxquelles la jeune femme est confrontée dans ses multiples tentatives de retour à une vie normale. Disons que cette opposition entre la bonne volonté d'une femme et la méchanceté de ses employeurs alliée à la malchance des conditions font que l'histoire est un peu indigeste. Elle se fait maltraiter par la femme du propriétaire de l'épicerie, elle suscite la jalousie de ses camarades à l'usine, elle se prend un retour de bâton violent par la famille de l'homme qui souhaitait l'épouser... Effet d'accumulation sévère.
Mais il y a aussi de beaux moments, comme le tour qu'elle joue au patron qui n'assume rien ou bien le final dans une communauté d'ama (des pêcheuses en apnée), et d'autres très durs, comme la pire punition qu'elle subit (le sexe brûlé à la cire). La trajectoire aura parcouru les bas-fonds de la ville pour terminer sur le rivage apaisé de l’océan Pacifique, et c'est cette dernière qui est le plus éloquent au final, devant le symbole martelé du passé qui la rattrape sans cesse.
En tout état de cause une alternative au féminin sur la prostitution, après tous les films de Mizogushi comme par exemple "La Rue de la honte", "Les Femmes de la nuit" ou "Une femme dont on parle". Portrait d'une femme très combative, douce et forte.