Le Mal peut prendre tant de formes

Ayant visiblement fait un petit effort à l'époque, je vais laisser disponible ma première critique et y ajouter celle écrite en ce début d'octobre 2022 pour une note et un ressenti presque inchangés.

Première critique (7/10) :

Film relativement méconnu et pourtant... Si on peut être au départ un peu déconcerté par le ton d'ensemble et son originalité, on s'intéresse tout de suite à cet étonnant scénario, à défaut d'être captivé. Mais plus l'intrigue avance et plus l'étau se resserre autour de la révélation finale, plus on est fasciné par l'ensemble, d'autant que la reconstitution historique d'Anatole Litvak démontre un très beau savoir-faire.

Enfin, excellent casting bien qu'absolument tout sauf allemand (un irlandais, un égyptien, un français, deux anglais, un canadien...), dominé par un Donald Pleasence toujours aussi inspiré. Peter O'Toole livre une prestation digne d'intérêt, très classieuse, malgré un léger manque d'expressivité empêchant son personnage d'être aussi fascinant que possible. Une œuvre atypique, séduisante : étonnant.

Seconde critique (7/10) :

Peter O'Toole et Omar Sharif dans les rôles principaux, Maurice Jarre pour la bande-originale : il s'agit, bien sûr, de, de... « La Nuit des généraux » d'Anatole Litvak ! Pas revu depuis longtemps, je me souvenais surtout du coupable, du dénouement... et c'est à peu près tout. J'avoue avoir eu du mal à entrer dedans, peu convaincu par le rythme peu soutenu et l'impression d'un scénario avançant trop lentement, malgré d'évidentes qualités cinématographiques, cette plongée au cœur de l'état-major nazi ne pouvant laisser indifférent, le casting peu « local » (euphémisme) faisant pourtant totalement illusion, j'y reviendrais.

Et puis, que ce soit à travers certaines scènes marquantes, une intrigue trouvant vraiment son rythme de croisière avant de prendre une direction différente mais encore plus prenante, certains échanges marquants en disant long sur la complexité, voire le paradoxe d'enquêter sur un assassinat, aussi sordide soit-il, au milieu d'un régime dont le meurtre de masse était le quotidien, presque la raison d'être. Se dessiner alors quelque chose de plus étrange, troublant voire malsain, non sans quelques aspects moins intéressants mais dessinant une époque complexe, aux personnages complexes (pas forcément fan que deux des généraux suspectés soient en réalité des ennemis d'Hitler, cela écrit). On a presque l'impression de deux films cohabitant, lui donnant peut-être un aspect légèrement bancal (dont la présence dispensable de Rommel), mais aussi surprenant, par son sujet, donc, mais aussi par ce choix de traverser les décennies pour offrir un dénouement à la fois juste et digne de ce nom.

La qualité de l'interprétation donne une ampleur supplémentaire à l'entreprise : Omar Sharif est impeccable, Philippe Noiret, Donald Pleasence et Charles Gray assurent, Tom Courtenay convainc, mais c'est surtout Peter O'Toole qui retient l'attention en officier glaçant, pervers et manipulateur, que l'on hait sans pouvoir s'empêcher d'être légèrement fasciné par sa beauté, son autorité, son allure, son charisme : un malaise volontaire qui est clairement l'une des grandes forces de l'œuvre. À voir peut-être une troisième fois pour se faire une opinion encore plus précise, reste qu'hormis quelques réserves, cette « Nuit des généraux » a d'évidents atouts, plongée à la fois originale et singulière, presque hors-champ, dans l'horreur du nazisme : à (re)découvrir.