Quand la lune est rouge et que le chef des détenus de la prison de la MACA à Abidjan est menacé dans son autorité, il ne reste plus qu'à désigner un prisonnier pour raconter des histoires pendant toute la nuit. Ce n'est pas Shéhérazade, mais quelque chose d'approchant, alors que la violence peut surgir à tout moment, sous l’œil impuissant des gardiens. Dans La nuit des rois, Philippe Lacôte ne se contente pas d'un film de prison, bien qu'il en respecte les caractéristiques. Il l'enrichit de théâtralité, de chorégraphies, en appliquant un récit de griot à l'univers carcéral. Le film s'évade aussi hors des murs et embrasse l'histoire récente de la Côte d'Ivoire aussi bien que celle plus ancienne, lorsque des royaumes s'affrontaient. Difficile de réunir tous ces ingrédients hétéroclites et contraires mais le réalisateur y parvient, intégrant même quelques scènes fantastiques quand le besoin s'en fait sentir. La réalité, le mythe et la magie se rejoignent dans les histoires de La nuit des rois, entrelacés comme dans un roman africain nourri de réalisme magique. L'énergie insufflée par l'ensemble de l'interprétation participe à faire de La nuit des rois un spectacle qui sort des sentiers battus. Alors que le cinéma d'Afrique subsaharienne est quasi porté disparu, le film rappelle qu'il possède toujours des créateurs capables d'offrir des fictions riches qui ne copient en rien les modèles français ou américains.