Après Jean Rollin écrivain découvert il y a peu avec bonheur, Jean Rollin cinéaste, fonction pour laquelle il est encore normalement reconnu d'ailleurs.
Je lis ici et là généralement que le cinéma de Rollin se prête au nanar fauché mais pour en avoir vu déjà deux (dont celui-là) et avec la même personne qui m'y a initié (il se reconnaîtra, il est même sur Sens Critique !), je dirais qu'il faut nuancer très largement celà. Pour moi le cinéma de Rollin aborde le fantastique et l'horreur par un versant poétique, onirique et avec une certaine innocence qui marchera d'autant plus si vous avez gardé une part de grand enfant en vous.
Je suis même assez admiratif de la manière qu'à Rollin de placer les grands ensembles français, les décors archi-urbains au sein de sa mise en scène et d'en tenir compte. Je crois que cela suffit à faire passer que ses acteurs ne soient pas forcément bons mais qu'il y ait vu en eux le petit "plus", le petit déclic qui peut faire pencher le film sur la fragile ligne de démarcation du goût (bon, ici, le comédien masculin principal est vraiment pas terrible avouons le). D'autant plus qu'il y croit à son film, c'est bête à dire mais ça fait plaisir de voir quelqu'un filmer ce en quoi il croit profondément, quitte à ce que ça puisse paraître déplacé ou déjà vu pour certains. Il faut prendre le risque de se hisser le regard sur un autre point de vue et c'est en cela que le cinéma de Rollin est une certaine prise de risque.
Donc, après l'excellent Lèvres de sang (bénéficiant de deux affiches fabuleuses du grand Caza pour l'anecdote), Rollin nous bâtit non plus une histoire de vampires mais un thriller paranoïaque avec une légère pointe de fantastique. Plongeant dans l'histoire de deux jeunes filles amnésiques (avec une Brigitte Lahaie qui m'a semblé avoir un peu de mal au début), le regretté cinéaste nous emmène dans des décors de bétons, froides tours de verre entre Paris et La Défense dans un complexe psychiatrique inhospitalier et comme labyrinthique.
Contrairement à Lèvres de sang, j'ai eu un peu de mal à adhérer totalement dès le début (le personnage principal masculin arrrrrrg, heureusement Rollin semble en avoir conscience et l'évacue des 3/4 du film jusqu'à la fin, ouf) mais plus le film passait plus j'étais conquis. Rollin travaille son ambiance de pair avec l'histoire et en ayant conscience de l'impact des décors, des personnages, de la musique, qui forment un tout indissociables de son oeuvre.
Bref, belle découverte à nouveau et merci à mon pourvoyeur de Rollin !