La promotion et la critique professionnelle entourant La Nuit du 12 entretient une double illusion : celle du thriller français de l'été, tout d'abord. Puis celle du énième film #Metoo réflexionnant, le menton entre le pouce et l'index, sur le sujet des violences faites aux femmes, allant jusque sur le terrain d'une novlangue discriminante qui se plaît à ne plus rien dire.
Car de thriller il n'y aura point, vu que le carton inaugural vient derechef tordre le coup au suspens : l'enquête n'aboutira sur aucune réponse quant au qui ou encore au pourquoi.
Car l'aspect #Metoo de l'entreprise sera hélas le plus visible au travers de quelques réflexions signifiantes quant au fait que c'est toujours les femmes qu'on brûle, ou encore que des hommes sont chargés d'enquêter sur des hommes. Soit autant de gros sabots dont on aurait pu se passer, mais qui ne nuisent finalement pas au film.
Car La Nuit du 12, c'est bien, mais pour d'autres raisons.
Et premièrement, parce que même si l'on sait que l'affaire s'engagera dans une impasse, Dominik Moll réussit, malgré tout, à entretenir une tension qui transcende l'enquête qui se transforme, peu à peu en théâtre, en comédie humaine où se croisent tragédie et humour discret. Faisant défiler une collection de coupables potentiels faite d'ordures ou d'inconséquents, de suspects parasites et de témoins qui ne parlent qu'à demi-mots, gravitant autour de la victime.
Une victime que l'on ne peut s'empêcher, à notre corps défendant, de juger sur ses moeurs, au gré des interrogatoires, des irruptions dans l'enquête et des rebondissements. De penser qu'elle l'aurait peut être un peu cherché car elle n'était "pas compliquée" et aimait les bad boys. Une déformation violemment battue en brèche par sa meilleure amie qui, par ses mots crus, remet l'approche de cette affaire en perspective et nos a priori.
Même si au final, après trois années de traque, on se demande à quel moment le dossier a perdu pied, quel détails les flics ont raté, alors même que de l'avis du magistrat instructeur, l'enquête était très bien ficelée et que plusieurs regards féminins n'arriveront pas à sortir de l'ornière.
Comme autant de lumières vacillantes dans cette noirceur désespérée, représentée par quelques êtres humains qui ont gardé une forme de foi, ou au moins une conscience ou une volonté, perdant parfois pied dans leur enfermement mental et leur obsession.
Occasion saisie par Dominik Moll de dresser un portrait désenchanté de l'institution policière et de la justice souffrant d'un manque criant de moyens et de personnel. De ces gens qui les animent, bouffés de l'intérieur par des dossiers qui leur tiennent à coeur. Une quête d'authenticité dessinée dans un décor ciselé, comme dans Seules les Bêtes, aux allures de western, emprisonnant presque un petit monde en circuit fermé.
Un portrait aux accents naturalistes que n'aurait pas renié le Bertrand Tavernier de L.627. Un portrait rempli de fantômes avec lesquels il faut vivre, dans une nuit qui ne se sera jamais totalement levée pour tous les protagonistes de l'affaire.
Behind_the_Mask, homme, femme, mode d'emploi.