Combat du bien contre le mal, avec une imprimante en panne

Le dénouement est annoncé dès l'introduction : nous ne connaitrons pas le coupable à la fin du film. 20% des enquêtes pour homicide restent irrésolues en France et celle-ci est l'une d'elles, inspirée d'un fait réel : dans la nuit du 12 octobre 2016, à Saint-Jean-de-Maurienne, Clara Royer, 21 ans, est brulée vive tandis qu'elle rentre chez elle après une soirée avec ses amies.

Faux-suspense donc, ou plutôt suspense frustrant : on sait que le mystère ne sera pas résolu, que nous quitterons la séance sans la réponse. Le film n'en demeure pas moins haletant, on suit de bout en bout les enquêteurs et l'on cherche avec eux à percer ce secret qui ne sera pas percé.

Davantage qu'un polar, le film a une allure de documentaire sur la vie et les rouages de la Police Judiciaire de Grenoble. Dominik Moll a su coller au livre dont il s'inspire pour son film : 18.3 : Une année à la PJ, de Pauline Guénat, récit de son immersion pendant un an à la brigade criminelle de la P.J de Versailles. Photos de la scène de crime, rédaction des procès verbaux, respect des procédures, interrogatoires durant lesquels il faut garder tant bien que mal son sang froid face à des suspects que la mort d'une jeune femme brulée vive et qu'ils connaissaient indiffère dans le meilleur des cas.

C'est "le combat du bien contre le mal, avec une imprimante en panne". On sait peu de choses sur ces policiers que le film parvient malgré tout à rendre empathiques : le jeune capitaine de la P.J nouvellement promu qui évacue ses doutes et ses angoisses au vélodrome ou son équipier en fin de course, dépassé par son divorce au point qu'il ne parvient plus à effectuer son travail sereinement (splendide Bouli Lanners). "Un monde d'homme", comme le souligne une des rares policières de la brigade : les criminels sont majoritairement des hommes et ce sont majoritairement les hommes qui font la police.

Dominik Moll a fait une entrée fracassante dans le cinéma français en 2000, avec son 2e long métrage : Harry, un ami qui vous veut du bien, succès auprès des critiques et du public, un thriller efficace qui flirtait avec l'étrange. Son 3e long métrage, Lemming, moins convaincant, poussait encore davantage dans le paranormal. Je l'ai perdu depuis et c'est avec surprise que je le retrouve avec ce film sans fioriture ni fantaisie, qui colle aux faits, à la limite du documentaire, avec un coté plus froid que Polisse de Maiwenn.

Il parvient à nous tenir en haleine quand bien même on sait d'avance qu'on ne connaitra pas le coupable. C'est d'autant plus terrible d'assister au crime atroce de cette jeune femme en sachant que son meurtrier ne sera jamais découvert ni puni. Cette frustration que ressent le spectacteur n'est qu'un avant goût de celle terrifiante que doivent éprouver les proches de la victime (parents brisés, meilleure amie inconsolable) et les enquêteurs qui consacrent des jours et des nuits à tenter de resoudre l'affaire, au point d'en faire une obsession.

Mention spéciale à Pierre Lottin, aux antipodes de son personnage de Wilfried Tuche, et à Anouk Grinberg, en juge d'instruction qui veut y croire encore.

(écrit le 25 juillet 2022)

Floridjan
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le 26 juil. 2022

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