Il faut un moment pour entrer dans l'ambiance de ce film rugueux et qui semble, de prime abord, aussi plat qu'un mauvais téléfilm policier. Et puis, l'air de rien, Moll impose une ambiance, une teinte, une lumière, des personnages, un ton. La force de ce polar c'est de s'intéresser bien plus au vide qui remplit les hommes qu'à l'enquête, et surtout, c'est d'annoncer dès le début son échec. De là, Moll construit une tension et une amertume hypnotiques, interroge l'impuissance de ses personnages, avec pudeur et sans effusion, et nous rappelle, par sa mise en reflet, que nous non plus, nous n'y arriverons pas toujours. Le polar se transforme en conte moral, ce qu'il n'est pas arrivé en résoudre, devient une révélation, qui agit sur nous plus que sur le monde.