They abide and they endure...
Dans la catégorie films inoubliables, voici La Nuit du Chasseur de Charles Laughton.
Ne pas être emballé par le synopsis est un droit, mais ne pas voir le film parce que la trame n'est pas des plus originales est une pure erreur, surtout en prenant en compte que c'est un film des années 50. Thriller évident, mais thriller envoutant, La Nuit du Chasseur est un chef d'oeuvre de suspense et d'ambiance.
Ah ça, le suspense, c'est du pur. Et c'est encore terriblement efficace en 2011. Robert Mitchum est un pasteur parfaitement cinglé habité par son dogme religieux, marqué des mots HATE et LOVE sur les phalanges de ses doigts (aujourd'hui, il est anodin de voir la même idée tatouée chez bon nombre de gens).
Attention ça spoil...
Notre pasteur est un orateur affirmé, il ne lui a donc pas été difficile d'obtenir l'affection des parents de Willa. Mais l'envers du décor le montre sous un autre regard. On assiste au lavage de cerveau dont est victime la mère de famille, encore affaiblie par la mort de son mari. La scène de la lune de miel fout quand même vraiment mal à l'aise. En fait, pendant la première partie, on attend que ça dégénère, et c'est déjà tendu puisque John est le seul qui n'offre pas sa confiance à son "nouveau père".
L'oncle Birdie est loin d'être un personnage inintéressant. Partageant des parties de pêche avec John sur le lac, c'est un homme très sympathique et amusant. Pourtant, au coeur de la trame, il peine à trouver une vraie utilité et c'est ce qui le rend intéressant. Quand il trouve le corps dans le lac et qu'il n'ose pas aller informer la police, ou quand John vient lui demander de l'aide et qu'il est tellement ivre qu'il est incapable de se réveiller.
Il en est de même pour les parents de Willa qui bourdonnent autour de leur fille sans vraiment se poser de questions puisque la grand-mère accorde une confiance totale à son nouveau conjoint. Leur rôle dans l'histoire est donc aussi assez léger.
Vient la deuxième partie du film, de loin ma préférée : l'exode des deux jeunes protagonistes (et de la poupée !) sur le lac, et sous les étoiles. John s'endort, bercé par le chant fantastique de sa petite soeur... La barque passe sous les yeux d'une grenouille, d'un couple de lapins et j'en passe. Un tas de plans absolument MAGNIFIQUES vont s'enchainer, sur une bande son frissonnante, on est en plein rêve. Le plan le plus beau de tous pour moi, c'est celui de la grange, où ils vont s'arrêter pour dormir, réveillés par le chant du pasteur en cheval. John va dire " Il ne dort jamais ?". En fait, tout ce passage est grandiose. Le noir et blanc devient alors magique. Même si j'ai trouvé tout le film magnifiquement mis en scène, par des scènes esthétiques et de beaux jeux de lumière, ce passage d'évasion m'a vraiment touché. C'est une sorte de calme apaisant malgré leur statut de fugitifs en danger.
La fin de l'aventure est symbolique elle aussi. Harry Powell est devenu complètement pathétique et John le voit se faire attraper par la police comme son père. De la même façon, il refuse de l'accepter, impuissant. Au bout du rouleau, il met fin au fardeau que lui a donné son père, bien trop lourd à porter pour lui. Mention finale pour l'agréable rencontre de la personne qui les prendra sous son aile après l'épopée en barque.
Un vrai 9/10.