Ce grand classique, réalisé par Terence Fisher, fait partie du lot des films de la Hammer superbement réédités par Elephant films. Ici encore, une excellente analyse de Nicolas Stanzick, proposée en bonus, met en lumière l'étonnante nouveauté de la modernisation du thème du loup-garou par Fisher. Car, si l'on met entre parenthèses la conservation d'un certain nombre de caractéristiques liées à la tradition (la pleine lune, la balle d'argent…), le film de Fisher se révèle surtout être une étonnante métaphore sociale. Ce n'est pas parce qu'il a été mordu par un loup, ou par une quelconque intervention surnaturelle, que Léon se transforme en bête et perd son humanité. C'est parce que cette humanité a été ôtée à ses parents par les agissements d'un aristocrate décadent, cruel et pervers. En ce sens les dialogues (mal rendus par les sous-titres) sont très clairs puisque, durant les humiliations que le marquis Siniestro fait subir au mendiant, revient sans cesse le terme « pet » (animal domestique) et qu'il finit par transformer ce malheureux, futur père de Léon, en quasi animal. De même pour la mère qui, suite aux agissements du même marquis qui la traite en objet sexuel, le tue d'une manière particulièrement « sauvage ». Et c'est une idée géniale d'avoir fait de cette servante une muette, un être privé de parole comme le sont les animaux. Le tragique du film est que Léon ne pourra pas échapper à cette malédiction sociale, les exploiteurs ôtent aux exploités leur humanité, malgré tous les efforts de ceux qui tenteront de l'aider. En effet, si seul l'amour qu'on lui porte peut vaincre la haine qui l'a engendré, cet amour sera de nouveau contrarié par une question de classe sociale. Il est ici encore remarquable que la première transformation de Léon en loup-garou survienne juste après que celle qu'il aime (et qui l'aime aussi) lui ait avoué qu'elle ne pourrait jamais l'épouser car elle est destinée par son père à un nobliau du coin. Cette humanité, perdue dès la naissance par l'injustice sociale, restaurée par l'amour de la famille qui l'adopte, reperdue à l'âge adulte par l'injustice sociale, ne sera même pas retrouvée dans la mort puisque, contrairement à la tradition du genre, après avoir été tué par une balle d'argent, le « monstre » ne redevient pas humain. L'aliénation est donc totale. La seule faiblesse du film est d'avoir situé l'action en Espagne ce qui rend un peu ridicule tous ces « espagnols » joués par des acteurs anglais bien typés et parlant un anglais parfait. Mais, la Hammer avait des budgets serrés et il fallut utiliser les décors espagnols créés pour un film sur l'inquisition dont le projet avait dû être abandonné !