Les périls, pour La Nuit se Traîne, étaient multiples. Ne se reposer que surs des scènes d'action fortes, ou au contraire appuyer de manière lourdingue comme un film #Metoo son propos engagé. Se laisser écraser par ses références enfin.
Sauf qu'en sortant de la salle on se rend compte que notre esprit n'a été pollué par rien de tout cela durant la séance Parce que, tout simplement, La nuit se Traîne est tout aussi haletant qu'électrique. Parce que la nuit appartient à Michiel Blanchart.
On vibre littéralement avec Mady à mesure que sa vie bascule et qu'il se trouve coincé dans un engrenage fatal, similaire à celui qui prenait Jamie Foxx à la gorge dans Collatéral. On le suit ardemment dans sa fuite, puis dans sa quête. Car il est immédiatement sympathique et désarmé face à un milieu qu'il n'aurait jamais dû connaître.
Le temps d'une nuit, le temps d'une odyssée, Michiel Blanchart réussit, dès son premier long-métrage, à affirmer une identité visuelle forte : le masqué n'a jamais vu les ténèbres de Bruxelles et de ses bas fonds esquissées de la sorte, tout comme il anime des scènes d'action variées d'une manière ultra efficace et haletante, à l'image de cette empoignade initiale, d'une plongée dans le métro tout en plan séquence ou encore d'une tentative de fuite d'une maison close.
L'attachement à La Nuit se Traîne n'est pas étranger au casting convoqué. Mais si Jonathan Feltre investit l'écran de son charme, C'est Jonas Bloquet qui chipe le film à chacune de ses apparitions, tandis que la guest star, Romain Duris, se montre véritablement inquiétante en effaçant facilement l'aspect tête à claques que le comédien se traînait lors de quelques prestations passées.
Enfin, le contexte du film, s'il convoque la couverture médiatique d'une manifestation Black Lives Matter comme un constant arrière-plan, ne se fait pourtant jamais envahissant, tandis que Michiel Blanchart préfère dresser un parallèle entre le milieu du banditisme et et l'attitude des forces de l'ordre en ressuscitant une idée d'un certain code d'honneur issu d'un autre âge.
La touche finale de cet amour d'un film porté par l'urgence s'impose avec une autre résurrection : celle de ce standard chanté par Petula Clark, total contrepied qui apparaîtra lui aussi désuet mais terriblement charmant, définissant immédiatement Mady, et apportant un petit supplément d'âme à La Nuit se Traîne. Une chanson qui n'a pas cessé de trotter dans la tête du masqué depuis le générique final et qui resurgit à chaque fois qu'il repense au film.
Preuve que Michiel Blanchart a touché juste dès son premier essai porté sur le grand écran.
Behind_the_Mask, par le trou de la serrure.