Le pays du thriller compte un nouveau nom de référence en la personne de Michiel Blanchart.
Remarqué pour quelques courts métrages fantastiques efficaces, à l’image de T’es morte Hélène qui avait fait le tour des festivals en 2021, le jeune réalisateur belge de 31 ans franchit un cap et passe au long métrage avec l’art et la manière.
La nuit se traîne est un premier film énergique et envoutant, intense et frénétique, d’une impressionnante maîtrise stylistique. Pensé comme une course-poursuite effrénée en l’espace d’une nuit, nous suivons le périple de Mady, un jeune serrurier appelé par une certaine Claire pour lui ouvrir la porte d’un appartement bruxellois. Pas de chance pour lui, il se trouve que Claire n’est pas la propriétaire du studio, et qu’elle s’envole en emportant avec elle un gros sac rempli de billets… Pas de chance encore, c’est à ce moment que des mafieux rentrent chez eux, et embarquent Mady pour le présenter à leur chef...
Le film tient beaucoup à la prestation de son acteur principal, Jonathan Feltre, qui joue Mady. Deuxième long métrage dans la carrière du jeune homme, et deuxième premier rôle après son interprétation de Ruddy dans le récent Les Rascals, sorti l’année dernière. Sous les traits de l’acteur, le personnage de Mady plaît instantanément. On le prend en pitié de s’être fait piéger dans cette affaire, et on est de tout cœur avec lui pour qu’il prenne son destin en main et sorte vivant de cette nuit infernale.
Face à lui, on retrouve Romain Duris dans un rôle à contre-emploi, celui du chef mafieux Yannick. Duris est l’un de mes acteurs français préféré, et c’est toujours un petit bonheur de le retrouver sur des projets de genre comme La Nuit se traîne.
On pourrait également dire que Bruxelles joue un rôle à part entière tant la ville prend une place prépondérante dans le film. On sent que le réalisateur y habite et en connaît chaque recoin. Loin d’un Bruxelles de cartes postales, Michiel Blanchart cherche l’authentique. En interview, le cinéaste confirme que la capitale belge est particulièrement chère à son cœur : « Passer devant l'ascenseur des Marolles ou le Palais de justice me fait fantasmer ma ville comme une ville de cinéma, de la même manière que des films américains m'ont fait fantasmer New York. Cette manière de revisiter Bruxelles parle aux bruxellois, mais j’ai cherché à la filmer d’une façon assez universelle. »
Avec son concept plutôt simple mais redoutablement efficace, La Nuit se traîne évite l’écueil de tomber dans le petit film de série B classique grâce à une mise en scène à la fois épurée et radicale. Pas de fioritures, mais on sent pourtant que tout y est pensé à l’avance, depuis les lumières qui créent une ambiance oppressante jusqu’aux chorégraphies de courses-poursuites (en voiture, à pied et même à vélo) millimétrées.
La Nuit se traîne est empreint d’une brutalité explosive sur fond de réalité sociétale crue : une manifestation anti-raciste en réponse à une bavure policière ajoute au thriller un fond politique bienvenue. Comme en France, les policiers belges tabassent dur : on n’est pas dépaysés. La séquence de course-poursuite à travers le cortège de la manifestation marque à coup sûr le point d’orgue du film.
Malgré le démarrage quelque peu poussif du film (moins de 50 000 entrées en première semaine), je ne peux qu’encourager les indécis à aller découvrir le film en salle : La Nuit se traîne est à mon sens l’une des très belles surprises de cette rentrée des classes !
PS : et 10 jours après, je me prends encore à fredonner l'envoutante chanson de Petula Clark, La Nuit n'en finit plus... !