Mady est un jeune serrurier, un peu trop gentil et crédule, qui aide un soir une jeune femme à entrer dans ce qu’elle prétend être son appartement. Les conséquences de cette erreur de jugement vont être terrifiantes, et transformeront la nuit de Mady en une véritable descente aux enfers. Voilà le pitch de départ, simple et malin, de La nuit se traîne, modeste polar belge qui va, malheureusement, se prendre pour plus « gros » qu’il ne l’est.

Le titre du film est inspiré de La nuit n’en finit plus, une chanson de Petula Clark datant de 1963… ce qui ne nous rajeunit pas : "Quand je ne dors pas / La nuit se traîne / La nuit n’en finit plus / Et j’attends que quelque chose vienne / Mais je ne sais qui je ne sais quoi" . Mady, qui travaille de nuit parce qu’il étudie de jour, est ouvert à tout, comme par exemple à une belle rencontre avec une jeune femme « en détresse », mais ce n’est pas l’amour qui adviendra, mais plutôt une noyade sans fin dans des situations de plus en plus désastreuses. C’est là un beau sujet de drame que nous promettent les vingt premières minutes du film, et ce d’autant que Michiel Blanchart, dont c’est le premier long métrage, est également un professionnel des effets visuels, et a le projet de filmer la ville de Bruxelles la nuit, comme on ne nous l’a sans doute jamais montrée. En creusant un peu les beaux personnages qu’il a devant sa caméra, qui plus est tous impeccablement interprétés (une autre grande force de La nuit se traîne, indiscutablement), et en osant le drame existentialiste déguisé en polar désespéré, Blanchart aurait pu nous offrir un beau film.

Malheureusement, on imagine que Blanchart, comme tout jeune réalisateur européen débutant, se rêve embauché par Hollywood, et décide plutôt de donner des gages de savoir-faire. Peu à peu, La nuit se traîne dérive vers le film d’action violent et spectaculaire, déséquilibré par trop d’invraisemblances – avec des personnages qui prennent des décisions peu crédibles, juste pour que tout aille de mal en pis, et qui semblent survivre à un enchaînement d’accidents spectaculaires sans gros bobos, comme des Bruce Willis de la grande époque des action movies US. Ne nions pas que le film est un thriller tendu et efficace, que certaines scènes sont en effet réussies : mais ce choix s’effectue au dépens de l’empathie que l’on aurait pu ressentir pour Mady et les autres. Pire, on a finalement l’impression d’avoir assisté à un spectacle divertissant mais superficiel, ce qui est exactement l’inverse de ce qu’on attendait : ce qui est clairement décevant.

PS : les admirateurs, dont nous sommes, du musicien belge Mustii, seront toutefois ravis de le voir interpréter ici un rôle assez important, sous son nom d’acteur, Thomas Mustin.

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/09/02/la-nuit-se-traine-de-michiel-blanchart-cest-beau-une-ville-la-nuit/

EricDebarnot
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le 2 sept. 2024

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Eric BBYoda

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