Là où naît la passion pour un film... On ne s'y attendait vraiment pas, on l'avait choisi pour son titre décalé, n'ayant pas lu le livre. Quelle magnifique et délicieuse erreur (on pensait s'ennuyer, on est resté fixé sur l'écran). Là où les écrevisses chantent est un film de passion, d'abord pour son personnage principal, qu'on nous présente si bien qu'on l'adore en un regard (il faut dire que Daisy Edgar-Jones a quelque chose de fascinant au fond de ses insondables pupilles... On ne décroche jamais d'elle), puis pour son enquête (qu'on rêve d'élucider avant la résolution), puis pour son petit bout de marais qui est si beau dans les plans impressionnistes (voyez ces reflets qui se confondent avec le réel... Un vrai tableau) auxquelles s'ajoutent les dessins naturalistes des faunes et flores totalement bluffants (on se rince l’œil sur les esquisses). Et comment oublier son amour vibrant pour les outsiders et les "jugés en un coup d’œil"... Ici, la jeune femme est coupable par son "étrangeté", ce que d'aucune femme moderne appellera son côté libre et indépendant, en fait. On restera poli en disant que l'on a vécu ses tourments atroces avec elle, agrippant à deux mains le fauteuil pour ne pas l'envoyer voler contre le jeune homme (brillant Harris Dickinson) qui l'abuse sous tous les sens du terme, avec une scène particulièrement difficile (on notera d'ailleurs le sens du détail qui rend la scène si réaliste : quand on assiste à la séparation de la victime et du bourreau, on peut constater que le pantalon de ce dernier tient tout seul...). On passe par toute une palette d'émotions, de la fascination pour la beauté de la Nature dans ce verdoyant marais, de la passion pour la vie de cette jeune femme (à qui on s'identifie si vite), à la colère vaine qu'elle ne parvienne pas à obtenir le bonheur qu'elle mérite. On attend la fin de pied ferme, mais l'on s'est tout de même fait (agréablement) piéger : par sa résolution (on était persuadé que
Tate avait fait le coup pour la protéger et allait se dénoncer
), mais aussi par sa séquence "ouverture de Là-haut" qui nous a fait pleurer sans honte. On aura tout oublié le temps de deux heures dix, faisant passer ce parcours de vie à la Beignets de Tomates Vertes (voilà, la réf' est lâchée, pour la mise en scène en flashbacks, pour le parcours de vie du point de vue féminin qui subit les hommes, et
finit par se faire justice lui-même
...) avant toutes choses. Visuellement un régal, avec un très bon rythme et un casting de qualité, Là où chantent les écrevisses est dans le fond un excellent soap pour lequel on se passionne et dont la fin a réussi à nous surprendre. Une excellente surprise !