Vincent Munier a fait de l'esthétisme une philosophie, il dit avoir "choisi de célébrer la beauté plutôt que de creuser le désespoir". Ses photos sont très belles, la narration de Sylvain Tesson et les séquences filmées de Marie Amiguet survolent, superbes, les sommets enneigés et les hauts plateaux pelés (3500-4000 mètres) du lointain Tibet aux températures extrêmes. Je reste admiratifs des personnes et ébloui par les œuvres de celles et ceux qui ont fait de leur passion, leur profession.
Les contrées des hautes montagnes de ce bout du monde semblent désertes et silencieuses, propices à la méditation. Erreur ici sont présents les plus beaux spécimen que cette nature sauvage, encore préservée d'une empreinte humaine trop prégnante ailleurs, a à nous offrir. La faune y est riche de par sa diversité et n'interdit pas la méditation au contraire.
Les yaks sauvages, bien sûr, puissants et nobles dont les grous, grous ont ensorcelés Munier, les ours avec qui il vaut mieux prendre ses distances, le gros chat sauvage aux yeux jaunes avec ce regard inquiétant qui semble nous dire "n'essayez surtout pas de me caresser", les lapins blancs himalayens dont on ne connait pas vraiment les origines, les corbeaux, ces suiveurs de prédateurs, complices aussi car il arrive que l'oiseau indique au carnassier où se trouve la proie, le renard qui gratte la terre pour en sortir un petit rongeur, le loup occupe les paroles et sûrement les craintes des Tibétains, les antilopes graciles, rapides, aux longues cornes vrillées, les bharals plus lourds, aux cornes en forme de lire, les cerfs, bois contre bois, ces petits mammifères tels la marmotte himalayana, les oiseaux dont certains au plumage coloré, chatoyant comme celui de cette dernière image, le jabot rouge écarlate qui semble nous dire au revoir ou bonjour allez savoir. Et bien sûr la panthère ou léopard des neiges qui se nourrit aussi d'herbe à défaut de viande quand les temps se font durs et que l'estomac est vide. Aujourd'hui elle déchiquette sa proie, laissée là la veille puis avance, se pose et observe ces humains venus pour elle, vedette d'un moment, star qui s'est fait désirer mais n'a pas loupé son entrée. (J'en oublie sûrement et vous prie de m'en excuser, je compte sur vous pour me le faire savoir. ^^)
Pour en savoir plus sur la panthère des neiges
Pour en savoir plus sur le Tibet
Les humains sont présents également, les hommes, femmes et enfants des hauts plateaux loin des chars chinois, les ermites aussi comme cet homme venu chercher l'illumination dans une grotte humide se nourrissant d'orties il en est devenu vert (selon Munier)
J'aime beaucoup cette photo du yak de face et à contre jour, au milieu des vapeurs fumantes du jour qui se lève et de son corps chauffant par - 20°, une forme noire et cornue se dégage semblable à celle d'un terrible et imposant shaman nous menaçant.
Munier, Tesson et Amiguet de par leur connivence, leur flamme, leur poésie, leur délicatesse, leur rigueur et leur précision dans leur travail ont enfanté une belle œuvre cinématographique dont je ne me lasse pas.
Comment ne pas dire un mot, également, de la musique, par Nick Cave et Warren Ellis, ces longues nappes sonores, éthérées et mélancoliques en accord total avec les images et le propos du film ? C'est beau, précieux, la grande classe.
Bande annonce