Déposer Tesson au cœur de la nature c’est lui offrir une toile à commenter. Cela lui appartient, dessiner des reliefs avec ses mots, l’adoration dans sa voix sans exalter. Voyage mystique dans les hauteurs tibétaines guidé par un acolyte chevronné, Vincent Munier, nous errons derrière le duo sans perturber leur recherche de liberté. Il est vrai que ce documentaire est sincère, poétique, contemplatif et surtout oxygénant. Le temps ralentit et notre vie accélérée aussi. C’est par l’approche de “l’affût”, technique de chasse photographique décrite sublimement par Tesson dans le bouquin éponyme, que nos regards tapissent les falaises accidentées pour apercevoir la vie. Oui, la vie. Celle qui résonne dans les mots de Munier quand il questionne ce qu’est devenu l'humain. Nous ne pouvons nier le message politique de cette œuvre magistrale, bien qu’il n’en soit pas le propos avancé. En effet, les tonalités philosophiques débrayent maintes fois sur la question de l'anthropisation, et nous n’en sortons pas indemne. L’enfant sauvage qui hiberne dans nos corps aseptisés par une société “civilisée” ressent la douleur de la décadence. Comment s’imaginer être vivant, dans un monde où les espaces de vie se font de plus en plus rares ?
Les protagonistes cueillent des instants de vie dans un espace vierge de “ la griffe de l’humain” en se dévêtant de l’enveloppe réificatrice du monde “développé”. Ils font corps avec la nature, se camouflent, vivent la temporalité du présent, et n’essaient plus de maîtriser l’indocilité du réel. De toute façon ils ne pourront pas, ils doivent lâcher prise ! Munier nous dira même : [...] “ Dans la nature, tu es seul face à toi même, tu ne peux pas te cacher derrière la représentation” [...].