Etat de nature : entre nostalgie et philo de comptoire

"La panthère des neiges" se distingue par une maîtrise visuelle remarquable : les réalisateurs ont su capturer l'essence des paysages avec finesse. Cependant, cela est quelque peu terni par l'usage abusif de plans répétés, qui, bien qu'esthétiquement plaisants, finissent par entraver l'immersion. Derrière la caméra, on peut noter l'ambition de Marie Amiguet de proposer des formes explicitement cinématographiques, cherchant à pousser les limites de l'expression artistique ; oui, nous sommes loin du documentaire animalier pré-endormissement. Cette volonté de cinéma se manifeste clairement dans les scènes de tension intense, comme celles impliquant trois ours pret à bondir sur le cadre ; un vrai moment de suspense et de danger.

Le montage du film, alternant entre des interactions humaines joyeuses et les moments de solitude avec les animaux, offre une structure narrative riche, mais étrangement en désaccord avec la critique assommante du "contrat social" proférée par la voix off. Car il faut en parler de cette voix off : captivante puis très vite irritante. Loin de compléter ou d'élargir la portée des images, elle se limite à des platitudes et à une pseudo-philosophie incitant à lever brièvement les yeux au ciel, souvent dans un geste arqué de gauche à droite connu sous le nom de "roulement des yeux" (souvent accompagné d'un soufle, prolongé et monotone ainsi que d'un léger haussement d'épaules). Il y a un décalage flagrant entre les commentaires, qui opèrent sur un plan normatif, et les images, ancrées dans le descriptif. Ce contraste entre le discours moralisant et la réalité silencieuse crée une dissonance qui déçoit, d'autant plus que ce procédé aurait pu briller par sa subtilité s'il avait été mieux maîtrisé.

En somme, le film est un mélange de réussites visuelles et d'opportunités manquées sur le plan "audio-narratif". Les réalisateurs montrent une habileté indéniable à capturer la beauté du monde, mais le film souffre d'un déséquilibre entre l'image et le commentaire, laissant le spectateur avec une sensation de potentiel inachevé.

Odenuum
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le 14 déc. 2023

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