Natalie Dormer ! Quand on entend son nom, la première chose qui nous vient à l'esprit est son rôle de Margaery Tyrell de Game of Thrones, une princesse à la fois manipulatrice et calculatrice au point de représenter un danger pour Cersei Lannister. Tout au long de sa filmographie, elle n'a de cesse de collectionner des rôles de séductrices où de femmes un peu manipulatrices comme dans son petit rôle dans Captain America : First Avengers ou la série Elementary (je ne connais pas son rôle dans les Hunger Games mais sa coupe de cheveux à moitié rasés est vraiment classe). La Part Obscure distribution Netflix de son état est, et c'est visible, un film de Natalie Dormer afin de montrer qu'elle peut tenir un long métrage. Elle écrit, produit et le réalisateur est Anthony Byrne, son compagnon qui n'a réalisé que des courts-métrages. Oui, on est en plein dans le syndrome Resident Evil/Underworld (ou Mother! si on est vraiment mauvaise langue). Cela dit, le résultat est très loin des films précités (en bien comme en mal). On est en face d'un thriller certes bancal mais quand même sympathique et prenant.
Anthony Byrne à l'essai
Pour son galon d'essai en long métrage, je trouve qu'Anthony Byrne se débrouille plutôt bien. Il donne au film un aspect thriller assez recherché. L'esthétique est classe, la photographie n'est pas mal, il n'y a pas mal de bonnes idées de réalisation .
L'une des bonnes idées est la figure du métronome et de voir que la vie de Sofia est réglée comme une partition de musique
Même le montage est vraiment bien avec une très bonne intégration des flash-backs dans le métrage. Du coup, il se débrouille bien. Les scènes d'actions sont aussi bien faitesl avec de bonnes idées surtout dans la première partie, malgré des passages clichées (le coup de la téléportation de Sofia pour montrer qu'on l'a capturée n'est plus fait depuis des années). De plus, on sent qu'il se sert de la réalisation afin de montrer l'état d'esprit du personnage principal. Cela dit, il y a certains détails qui sont téléphonés, surtout dans la deuxième moitié du film
Sofia qui est coiffé avec un chignon toute la moitié du film et l'autre moitié, une fois qu'on sait qui est vraiment, elle demeure sans chou
Et c'est dommage car le réalisateur donne un cachet vraiment classe à ce film, avec ces plans séquences, ces travellings, ces effets de montages qui montre que bien qu'il s'agit d'un film fait pour Natalie Dormer, il a l’étoffe d'un bon cinéaste. Moi je trouve que cette succession de petits détails gâchent le film qui est très bien fait d'un point de vue esthétique. Quant aux personnages, là aussi il faut qu'on en parle.
Blind Sofia
Dans le rôle principal, Sofia jouée par Natalie Dormer est une pianiste aveugle depuis ses 5 ans et émigrée de Yougoslavie. Elle a eu enfance tragique et possède désormais à Londres une vie réglée comme du papier à musique. Seule sa voisine Véronique est l'élément dissonant mais dont elle perçoit le problème. Dans tout le film, elle semble intéressée par Radic, un criminel de guerre et la mort de Véronique va la rapprocher bizarrement de Radic. Le personnage est intéressant pendant toute la première partie du film. La 2e partie en revanche, quand la révélation sur son passé est révélée, elle devient d'un seul coup moins intéressante et brusquement est perclus d'inconsistances.
Pourquoi vouloir trahir Alex ? N'as-tu pas dit l'ennemi de mon ennemi est mon ami ? C'est quoi cette incohérence ? Pour te venger de ce qu'elle t'a fait ?
Juste, pourquoi ? C'est comme si le film d'un seul coup veut tellement être dark et faire de son héroïne une femme aveugle forte et avide de vengeance qu'il se rate !
Quant aux autres personnages, ils sont très archétypaux et n'ont aucune vraie consistance. Marc joué par Ed Skein (le méchant du premier film Deadpool) est le cas typique du tueur à gage au grand cœur qui veut se faire Sofia, Alex (Joely Richardson vue récemment dans Red Sparrow) est l'assistante de Radic jouant un double jeu (et sœur vénéneuse de Marc), Véronique (Emily Ratajkowski qui a joué dans Gone Girl) est la victime, Niall (James Cosmo) est le père de substitution de Sofia et vétéran des services secrets assez maladif et Mills (Neil Maskell) est l'inspecteur à qui on ne la fait pas.
Le seul personnage intéressant est Radic (Jan Bijvoet) qui est un antagoniste crédible et effrayant pour Sofia. Le lier au passé de Sofia est une bonne idée mais il s'agit d'une idée que je trouve mal exploiter. Mais ça on va y venir.
Tu ne peux pas sauver tout le monde Sofia
Si on veut être indulgent, on peut dire que comme il s'agit du premier scénario de Natalie Dormer et d'Anthony Byrne, il est logique qu'on ne peut pas taper juste du premier coup. Et le film en terme d'écriture est bien fait et intelligent dans sa première moitié. Le film est pendant 3/4 d'heure est vraiment bien en quasiment tous les points. Même les personnages que je décris plus haut comme archétypaux et manquant de consistance sont intéressants. Mais après, passée la scène de l'enterrement et l'entrevu le passé de Sofia révélé, le film soudainement essaye de trop en faire et devient cliché, sonne dissonant et est mal maîtrisé. Pourquoi ne pas persister dans la voie du thriller d'angoisse et faire une sorte de simili thriller policier en faisant de Sofia une personne avide de vengeance. A part quelques scènes, le film devient brouillon dans son écriture et confus. C'est vraiment dommage car on sent vraiment Natalie Dormer impliquée et donnée tout ce qu'elle a dans son rôle. Mais l'écriture et la réalisation ne suivent pas. Les personnages autour de Sofia ont tous une fin décevante (la palme revient à Niall, décédé hors champ) et même le final de Sofia ne fait ni chaud ni froid. Je n'exige pas un happy ending mais pas une fin où je me dis...c'est tout ? Bref un film qui est au final plus moyen qu'un vrai thriller avec de la tension tout le long.
Ne vaut que pour Margaery et sa première partie
Comme la majorité des premières réalisations et projets personnels, la Part Obscure ou In Darkness est un film qui se révèle assez bancal mais qui contient de très bonnes idées. Le film est pour moi très bien et maîtrisé dans sa première moitié où on a un vrai propos, une vraie ambiance et est proche du chef d'oeuvre. Mais passé la moité du film, il devient banal, cliché, brouillon et veut tellement faire du thriller qui se veut féministe qu'il laisse tomber toutes les bonnes idées de la première partie. C'est comme si on demandait à Edgar Wright d'abandonner en plein milieu du film l'ambiance qu'il a installé dans Baby Driver. Bref, un bof plus qu'un mauvais film. Cela dit, Natalie Dormer passe haut la main l'examen d'actrice pouvant tenir un premier rôle et arrive à donner à son personnage une dimension vraiment intéressante, tout comme le réalisateur qui malgré ses défauts est à surveiller. Peut-être qu'un nouveau projet fera de lui un bon ersatz de David Fincher dans le futur.