Bertrand Tavernier aimait à dire qu'il y a deux types de films irrémédiablement ennuyeux: ceux qui se déroulent dans un couvent ou alors dans un sous-marin. Le sommet absolu du genre, qui n'a heureusement encore jamais vu le jour, étant une histoire de nonnes coincées dans un sous-marin! Il n'y pas de sous-marin dans le nouveau film de Léa Pool, mais il y a beaucoup de nonnes et son titre, aussi bien que son affiche, laissaient craindre une oeuvre un rien lénifiante, voire franchement pontifiante. Bach et Chopin soient loués, il n'en est rien! Plutôt qu'un énième pensum métaphysique en cornettes, «La passion d'Augustine» est avant tout un film musical «pur bonheur» (traduction officielle québecoise du «feel good movie» anglo-saxon) qui balance habilement entre drame et humour pour décrire sous un angle inédit les bouleversements sociaux des années soixante.
Simone Beaulieu, qui a pris le nom de soeur Augustine, dirige un couvent sur les rives du Richelieu, au Québec. Le lieu est connu loin à la ronde comme une école de musique de haut niveau qui truste les distinctions dans les concours. Mais les temps sont en train de changer, même dans la Belle Province ultra-catholique: le Gouvernement instaure une loi sur l'école publique qui met en cause l'existence même du pensionnat. Et c'est dans cette période troublée que soeur Augustine se voit confier sa nièce Alice, une jeune prodige du piano, dont les aspirations de liberté contrastent avec l'atmosphère rigoriste de l'école...
Cinéaste suisse installée depuis plusieurs décennies au Québec, Léa Pool fait valoir tout son savoir-faire pour conduire un récit dont les airs de déjà-vu sont heureusement compensés par une mise en scène élégamment classique et une photographie aux teintes ambrées d'une grande finesse. Et l'excellente idée du film est d'avoir confié le rôle de la jeune Alice à une véritable musicienne, Lysandre Ménard qui se révèle aussi excellente actrice que pianiste émouvante dans son interprétation de la célèbre étude no 3 opus 10 de Chopin !