Tous les films n’ont pas la même vie après leur mise en exploitation. Cette Petite Boutique des horreurs n’aurait pas dû se faire car Roger Corman n’aimait pas les comédies. Mais Charles B. Griffith le scénariste et Mel Welles l’acteur qui joue le rôle du fleuriste l’ont supplié de tourner et fini par le convaincre, à contrecœur.
Tournant non pas en deux jours mais en deux jours et une nuit Roger Corman a donc plié, pesé et emballé ce film avec l’idée de s’en débarrasser au plus vite. En dépit de l’humour absurde à tous les rayons, des personnages tous moyennement ou très crétins, c’est l’un des pires films de l’auteur du Masque de la mort rouge. Le mélange de provocation et d’horreur produit une mixture écœurante et kitch.
C’est bien sûr ce qui fait a posteriori la marque des très grands films (Ben Hur, les Dix Commandements, Autant En Emporte le Vent).
La manière de tourner porte la patte de Roger Corman. En plus d’être rapide, Corman qui était aussi très économe, était un grand pédagogue.
Francis Ford Coppoloa saura se rappeler des leçons de son professeur durant toute sa carrière. Dans ses films il fera exactement le contraire : il explosera les durées de tournage et les budgets.
Jack Nicholson qui joue ici le rôle d’un maso adepte de soins dentaires comprendra que son avenir est dans l’interprétation des personnages excentrés.
LPBDH prend vraiment son essor à l’apparition d’Audrey, la plante qui bêle « Feeeed Meeeeeee ». La plante carnivore a dû être construite avec les restes d’un œuf de Pâques en carton emprunté à un pâtissier. Alors que l’idée même du film a dû germer après un sévère retour de cuite dont les Anglais sont coutumiers.
Le temps faisant son œuvre d’érosion lente, la Petite Boutique des Horreurs a fini par obtenir une reconnaissance internationale. Une comédie musicale tirée du film a même été un grand succès à Broadway.
Avec le recul et en comparant avec le niveau actuel des comédies les spectateurs ont élevé le film au rang de film d’auteur. Certains écolos voient dans cette plante qui recycle les cadavres un pas décisif pour l’avenir de l’humanité. Alors encore un peu de patience et la Petite Boutique des Horreurs deviendra un chef d’œuvre universel.
Chaque film a bien une vie propre qui échappe totalement à son créateur (et au critique).