Je me demande d’où vient l’idée d’avoir choisi, parmi tous les films qui existent, une série B fauchée de Roger Corman pour en faire une comédie musicale ?
Le genre d’idée farfelue qui m’enchante, le genre d’idée qui ne se concrétiserait jamais en un long-métrage de nos jours, ou alors sûrement pas avec un budget de 25 millions de dollars.
A croire que pour trouver de la folie et de l’originalité au cinéma, il faut forcément se pencher sur le passé… La petite boutique des horreurs de Frank Oz est une de ces excentricités dont je suis friand, tout indiquait que c’était fait pour moi... alors pourquoi ai-je attendu des années avant de voir enfin cet OVNI ? J’avais déjà la version de Corman en DVD quand j’étais ado...
Du film original, on retrouve l’humour très saugrenu et les personnages ultra-caricaturaux : la mauviette en guise de héros, sa bien-aimée un peu cruche, et le boss autoritaire à l’accent étranger marqué. La voix de souris de la fille m’a légèrement irrité, un peu comme pour celle de Nancy Allen dans Blow-out, et comme pour le film de De Palma, c’est un des seuls reproches que j’ai à faire à une œuvre autrement brillante.
Je ne sais plus quels aspects saugrenu du scénario se trouvaient déjà dans le film de 1960, mais le remake assume toutes les petites absurdités, le jeu des acteurs est ultra-poussif, la romance excessivement niaise, … ça pourrait être lourd mais le délire fonctionne, sûrement parce qu’il y a une connivence avec le spectateur et que tout aspect est tellement exagéré que ça atteint une dimension parodique.
Comme aiment le dire les gens de Troma à propos de leurs productions : ils ne se prennent pas au sérieux, mais ils font leurs films avec sérieux, avec application.
Et La petite boutique d’horreur est loin d’être une simple bouffonnerie, il y a clairement un boulot monstre derrière.
Je vais faire simple et y aller sans retenue : tout est génial.
Les chansons sont catchy et drôles, aussi bien par leurs paroles que par le décalage entre la musique pop des 50’s et le contexte horrifique ; mais elles peuvent aussi s’avérer étonnamment belles et poignantes, même en traitant de sujets triviaux. J’ai eu de nombreux frissons, et c’est cette beauté du chant, qui parvient à transmettre des émotions, qui fait fonctionner les scènes romantiques et dramatiques. La musique arrive même, lors du second meurtre, à créer du suspense, avec ce chœur qui murmure la même phrase en boucle.
Et durant chaque séquence de chant, j’ai été bluffé par la coordination entre le lip-sync, la chorégraphie et le découpage technique : ça reste rythmé et je n’ai pas vu un seul faux raccord.
J’adore généralement tous les effets spéciaux à l’ancienne, les créations en latex et les animatronics, mais la plante dans La petite boutique des horreurs est particulièrement réussie. Le design, qui mêle une bouche humaine à de la flore, est magnifique et ingénieux, mais en terme d’animation aussi c’est stupéfiant comme on a su attribuer des mimiques et mouvements humains… à une plante.
Pour moi il y a quelque chose de magique à chaque fois que je vois une création de ce genre, quand un artiste arrive à façonner et donner vie à une créature en l’animant ensuite, mais l’émerveillement n’est complet qu’avec ces petits trucages dont j’ignore comment ils ont pu être faits (Audrey II sur un tabouret, qui pousse les parois de sa boîte de conserve).
Et par ailleurs, je trouve la voix de la plante très bien choisie.
Frank Oz est surtout connu pour ça, son travail avec les marionnettes, mais il y a malgré tout dans ce film-ci de bonnes idées de mise en scène, dans les transitions ou autres trouvailles visuelles, qui servent l’humour.
J’ai vu le film en director’s cut, ignorant totalement à quel point la fin différait de la version cinéma. L’une des dernières séquences traîne du coup un peu trop en longueur.
Mais la plupart du temps, je suis resté exalté et béat d’admiration devant La petite boutique des horreurs.
Ne faites pas la même erreur que moi, voyez-le. Maintenant !