Rêvalisme

Voyons. Quelle est la phrase que nous utilisons tous?

Il était une fois...le temps des films muets. Un temps où tout film devait être raconté par les émotions des visages, des gestes silencieux et des dialogues inscrits sur des écrans.

En 1928, un an avant l'arrivée du premier film français parlant appelé Les Trois Masques, sortit La Petite Marchande d'Allumettes. Oeuvre adaptée du conte d'Andersen La Petite Fille Aux Allumettes.

L'oeuvre se déroulant au XIXe siècle est déplacée dans les cadre réaliste des années 20. Cadre d'hiver glacial où les bourgeois aisés se réfugient dans des demeures réchauffées pour les fêtes pendant que les pauvres sans le sou sont ignorés de la société de leur achetant rien pour survivre malgré les vaines tentatives des affamés de se faire entendre.

Catherine Hessling interprète ici une jeune fille pleine de candeur craignant le courroux familial violent envoyée aux tâches nocturnes périlleuses à la manière d'une Cosette sur le point de commencer sa puberté de façon touchante et bouleversante.

Ne parvenant pas à vendre une seule boîte d'allumettes, elle ne retourne plus au logis familial préférant rester dans le froide nocturne où elle s'imagine qu'une simple flamme d'allumettes pourrait la réchauffer.

A partir de cet instant, le film prend un tournant inattendu.

En effet, alors que dans le conte original, le froid et la faim donnaient à la marchande d'allumettes une hallucination de sa grand-mère défunte...

...dans La Petite Marchande d'Allumettes, la protagoniste voit des décorations de Noël avant de voyager dans le monde des songes.

Ainsi, nous ne sommes plus dans le réalisme mais dans le rêve avec une ambiance joyeuse totalement opposée à la société hypocrite indifférente à la misère.

La protagoniste laisse ses longs cheveux envahir doucement son corps, danse, se retrouve réduite à la taille d'une poupée et atterrit dans un magasin de jouets où les poupées et les soldats prennent vie.

Hélas, la cruelle réalité l'emporte toujours sur le rêve rassurant puisque les songes ne peuvent mettre fin ni à l'indifférence générale, ni au froid glacial. Ainsi, la petite marchande d'allumettes demeure condamnée à errer dans les rues grises et mornes où personne ne soucie d'elle, ni même la remarque.

Bien que le fait que le film soit en noir et blanc uniquement parce que l'arrivée de la couleur ne fut pas avant les années 30 et démocratisée seulement dans les années 60, l'absence de couleurs dans l'oeuvre renforce l'atmosphère sombre du conte d'Andersen où il n'existe aucun espoir pour ceux étant nés dans un monde de misère. Chose renforcée davantage par l'ambiance minimaliste avec des costumes tantôt réalistes trouvés dans des placards, tantôt féériques avec des vêtements de jouet fait avec des bouts de ficelle.

Il est fort dommage qu'aujourd'hui, la musique originale du film, qui avait été enregistrée peu après l'arrivée du parlant/du son et permit au film une ressortie (passée totalement inaperçue) n'ait été conservée perdue au profit d'un accordéon agaçant et monotone n'allant pas du tout avec l'atmosphère mélancolique de l'oeuvre à l'écran.

Si vous voulez apprécier pleinement La Petite Marchande d'Allumettes, regardez-le sans musique pour ne pas être envahi par ce son envahissant ou bien choisissez vous même une musique que vous aimez que vous écouterez en fond durant le visionnage afin de pouvoir profiter de l'intrigue de manière à vous faire plaisir.