Durant les années 80, The Walt Disney Company était en pleine crise financière. L'erreur la plus grave est paradoxalement la plus excusable, car elle a été partagée par nombre d'entreprises, dirigeants économiques et politiques : les studios n'ont pas su prévoir la crise. L'essentiel de ses difficultés proviennent d'une structure financière inadaptée à une période de vaches maigres et aussi, parce qu’il faut le dire, à un échec de ses derniers films d’animation. Le dernier succès étant The Rescuers en 1977 !
Heureusement, en 1989, The Little Mermaid fait entrer la Walt Disney Company dans son âge d’or.
Les studios Disney décident de renouer avec leur célèbre habitude d'adaptation d'un conte classique. Ils choisissent ici Den Lille Havfrue, l'oeuvre de Hans Christian Andersen écrit en 1837. L'auteur ne leur est, en fait, pas totalement inconnu. Ils ont, en effet, déjà revisité un de ses écrits, dès 1931, en noir et blanc, avec Den Grimme Aelling (Le vilain petit canard chez nous), cartoon dont ils feront un remake en couleur en 1939. Destinés en premier lieu aux enfants, les contes de Andersen s'adressent en réalité à un plus large public, tant ils bénéficient par leurs poésies, leurs morales et leurs thèmes de différents niveaux de lecture.
L'idée d'adapter Den Lille Havfrue n'est pas nouvelle chez les studios Disney. Le projet se retrouve sur la table dès la fin des années 1930. L'illustrateur Kay Nielsen réalise, en effet, à l'époque un certain nombre de recherches graphiques en pastel et peinture à l'eau. Malheureusement, l'idée est vite abandonnée. L'ensemble du travail effectué est toutefois archivé. L'idée germe à nouveau, en 1985, dans la tête de Ron Clements et John Musker les réalisateurs de The Great Mouse Detective. Ils réécrivent ensemble l'histoire, notamment la fin pour qu’elle soit tout public. Un résumé du scénario, ne comportant que deux pages, est, dans la foulée, présenté aux nouveaux patrons de Disney, Michael Eisner et Jeffrey Katzenberg. Contre toute attente, ils l'acceptent sans aucune hésitation.
Les studios Disney n'adaptaient plus, pourtant, de contes antérieur aux années 1860 à l'écran depuis l'échec commercial retentissant de Sleeping Beauty en 1959.
La première grande idée du projet est, sans aucun doute, la volonté des réalisateurs de faire du film une comédie musicale. Dès 1986, ils sollicitent Howard Ashman et Alan Menken, auteur et compositeur de la cultissime comédie musicale Little Shop of Horrors. En donnant une touche de comédie musicale à la Broadway, ils vont révolutionner non seulement le film lui-même, mais aussi l'ensemble des Grands Classiques d'animation produits ensuite par Disney en les revêtant d'une signature qui restera utilisée pendant toute la décennie 1990.
Cette nouvelle politique de films d'animation doublés de comédies musicales est, à bien des égards, un retour aux sources de la Walt Disney Company. Walt Disney, lui-même, a, en effet, toujours voulu utiliser des chansons pour rythmer les oeuvres et dérouler les histoires. Fort curieusement, sa volonté est très vite délaissée après sa mort, au point de voir les chansons devenir quantités négligeables. Non contentes d'être rares, elles sont, en outre, le plus souvent insipides. Howard Ashman et Alan Menken vont donner un sacré coup de jeune aux bandes-son de Disney. Ils n'hésitent pas ainsi à changer, dans un même film, de style musical. De l'air de reggae, à celui d'un slow en passant par une mélodie élégante sans oublier un rythme parodique, le film voyage à travers la musique.
Howard Ashman et Alan Menken ont également l'idée d'utiliser une astuce tout droit venu de Broadway. Il est en effet de bon ton, sur les scènes new-yorkaises, en début de spectacle, de voir l'héroïne entonner une ritournelle pour raconter ses états d'âmes, aspirations et autres rêves. C'est ainsi que le film offre bien vite une magnifique chanson de Ariel où la jeune héroïne ouvre son coeur.
The Little Mermaid décroche fort logiquement l’Oscar de la meilleure musique de film et l’Oscar de la meilleure chanson originale pour Under the Sea en 1990.
L'autre grande réussite du long-métrage est assurément la modernité de son scénario. Alors que pendant plus de vingt ans, les films d'animation Disney mettaient en avant des enfants ou des animaux très souvent lices, ici, une adolescente moderne aux préoccupations actuelles est à l'honneur. Ariel a ainsi des attentes, des envies, des souffrances et se heurte à l'incompréhension de son père. Le film se permet même certaines libertés inimaginables auparavant. Deux baisers sont ainsi échangés sur la bouche et l'ensemble bénéficie d'un certain érotisme.
La petite sirène, Ariel, est ainsi souvent exposée nue, mais dispose ainsi d'une forte personnalité et d'une animation exemplaire. Pour créer le personnage de Ariel, les dessinateurs se sont inspirés de la magnifique actrice Alyssa Milano. D’ailleurs on peut voir quelques années plus tard, Alyssa Milano dans le costume d’une sirène dans les deux premiers épisodes de la cinquième saison de Charmed.
Ariel est toujours accompagnée de Sébastien le crabe, tout simplement génial et terriblement sympathique, il s'inscrit dans la lignée des compagnons de route, chers à Disney. Son humour est assurément un élément indispensable au récit. Polochon est tout autant présent dans le récit, mais reste en retrait à cause de son caractère peureux. Il faut ajouter Eurêka, Max le chien, le Roi Triton ou encore le Prince Eric.
Il y a une énorme pléiade de personnages, d’ailleurs, lors de la première apparition du Roi Triton, on peut apercevoir en bas à gauche dans le public Mickey Mouse, Donald Duck et Dingo.
Ursula signe pour sa part le retour fracassant des studios Disney dans le registre des vilains légendaires. Cette sorcière maléfique est, à l'évidence, l'une des plus horribles méchantes imaginées par la firme. A la fois sexy et repoussante, elle est manipulatrice à souhait. Sans foi, ni loi, elle ne poursuit qu'un seul but : prendre le pouvoir. Elle est, comme bien souvent chez Disney, entourée de valets particulièrement incompétents, dont la grande bêtise est inversement proportionnelle à son exceptionnelle intelligence. L’idée de ses valets Flotsam et Jetsam est venue des deux crocodiles de Médusa dans The Rescuers (le dernier succès important des studios Disney en 1977, soit douze ans plus tôt). A noter également que cette association est contre-nature : les murènes étant, dans le monde réel, prédatrices des pieuvres.
Non contente de bénéficier d'une bande-son impeccable, d'un scénario fort et de personnages attachants, le film connaît également une réalisation technique aussi ambitieuse qu'irréprochable. Certaines scènes sont ainsi véritablement bluffantes. La tempête, le numéro musical de Ursula ou le final sont à ce titre exceptionnels. Il faut dire que 80% du film disposent d'effets spéciaux. Paradoxalement, c’est aussi le dernier long-métrage d'animation Disney à utiliser la méthode traditionnelle de cellules peintes à la main.
Les critiques sont unanimes pour fêter le retour à l'excellence des films d'animation Disney. Le succès de The Little Mermaid va apporter à la Walt Disney Company une manne financière exceptionnelle. La bande originale s'arrache, ce qui n'était plus arrivé chez Disney depuis des lustres. The Little Mermaid est un chef-d'œuvre qui fait entrer Disney dans son âge d’or que les gamins des années 90 chérissent.