Dommage ou Sous l'Océan, Walton et Woksula luttent

Parti sur de très mauvais courants pour nager vers cette version live de Disney, j'en suis ressorti sur cette pensée:

"Dommage".

Pourquoi "Dommage" ?

Le film apparaît comme un bien mauvais live comme tant d'autres depuis que Disney ne fait plus des 101 Dalmatiens mais des Roi Lion dans le meilleur des cas ou des Aladdin/Peter Pan et Wendy dans le pire des cas. Mais, comme nous ne sommes pas à l'abri d'un Jean-Christophe et Winnie ... petite pépite qui sauve l'ensemble de la phase live des années 2010 (rien à voir avec les tours de force non numériques des années 90-2000 même si certains 102 dalmatiens n'étaient pas des chef-d'oeuvres) ...

La Petite sirène, c'est la lutte dès les premières minutes entre un reste de magie Disney salvatrice et un gros bouillon woke. Nul doute qu'il vaudra mieux que l'affreux Peter Pan & Wendy ou que l'insupportable Aladdin où Jasmine devenait sans s'en rendre compte le pendant féminin de Jafar tout en chantant que la parole est libérée et en disant "au pied !" à Aladdin le tout sur fond Bollywood totalement grotesque. La Petite sirène, c'est en somme Disney contre Dysney, Walton (Walt-Triton) contraint à composer avec Woksula (Ursula-Wokisme). Et ça l'est dès les premières minutes qui citent Andersen tout en affichant un titre digne dans son design d'un vieux film Disney des années où la firme aux grandes oreilles a lancé ses premiers films non animés. Mais cette citation n'aura aucun impact sur le récit (et, pire, peut s'interpréter comme une réponse au stéréotype lui-même stéréotypé du "On pleure pas, quand on est un homme") et, pour ce qui est du titre, il nous rappelle comme le feront plus tard quelques scènes que l'homme au gouvernail du film n'est autre que le réalisateur de Pirates des Caraïbes: la Fontaine de Jouvence.

Cette lutte continue dans le contraste entre la bouillie numérique (et certains des masques numériques que votre serviteur d'ordinaire ne parvient jamais à voir mais a ici trop vu! C'est dire !) et la velléité d'imitation du génie expressionniste du métrage animé d'origine: en témoigne au-delà de tout la scène de la Sorcière des mers géante plus Calypso de Pirates des Caraïbes que créature lovecraftienne et d'inquiétante étrangeté que l'on cherchait à pasticher. En témoigne également la réunion initiale chez Triton qui tient du spectacle où l'absente crée la stupéfaction et une grande gêne dans une assistance nombreuse venue pour l'occasion que l'on a troqué pour une réunion intimiste censée décrypter l'aspect vie quotidienne de retrouvailles père et filles et où l'absence pourtant évidente d'Arielle n'est aperçue que tardivement. En témoigne le choix de remplacer les formes monstrueuses que revêtent les victimes d'Ursula par des crânes voir des corps partant en poussière - sans parler de l'allusion à Hamlet qui ne fait que surligner combien on se sent loin du Danemark ... il y a donc vraiment quelque chose de pourri au royaume de Danemark. (Oui, la Petite sirène, malgré le merveilleux reste l'un des symboles du pays et le nom du prince n'est pas là QUE pour faire joli).

On sent aussi toute la géniale dramaturgie du dessin animé qui est parfois en désordre dans le film (pourquoi Sébastien devient-il le gouverneur d'Arielle ? Dans le dessin animé, parce qu'il a eu la présomption de faire la morale à Triton qui s'amuse par conséquent à le prendre aux mots; dans le film ... pour la même raison ... mais en l'étant déjà bien avant la scène qui l'intronise tel ... un non sens !) ou qui se trouve parfois intégrée aux chansons et que le film, qui tourne les dites chansons façon clip (quand elle n'en rajoute pas une façon rap), semble mécomprendre: les apartés sont souvent des monologues et les monologues deviennent des dialogues incohérents (par exemple: Arielle ou Ursula s'adressant à Polochon ou aux anguilles qui se mettent à parler toutes seules ou Sébastien et Arielle qui chantent ensemble "Sous l'Océan" ... ce qui laisse penser qu'Arielle a été convaincue par Sébastien ... ce qui n'est évidemment pas le cas).

Et, fatalement, il y a l'idéologie woke qui fait des loopings façon montagnes russes: le prince Éric reste blanc mais sa mère est noire (oui mais il a été adopté), Arielle est noire aux yeux bruns et prétendument rousse et Euréka est devenue une goéland femelle (doublée par Maïk Darah, la voix de Whoopi Goldberg). Mais cela passe le commun de ce que nous proposent les digressistes. Non, cette fois, nous avons droit à un changement de scénario ubuesque: Arielle ne se souvient plus qu'elle doit embrasser le Prince ... pour ne pas le harceler ou ne pas forcer son consentement et elle passe le pacte avec Ursula carrément contrainte et forcée. Inutile de dire combien l'ensemble est contre-productif ! Entre l'idée que l'on veut montrer que les femmes, elles, n'harcèlent pas, en nous expliquant que c'est parce qu'elles oublient de le faire, et que le pacte d'Ursula a de la valeur alors que passé sans consentement et avec une énorrrrme clause non respectée par Ursula ... on nage dans le ridicule qui, heureusement, n'est pas censé tuer.

Cela, sans parler de Javier Bardem dont la colère calme et froide prête à rire quand on sait combien elle est redoutée des marins dans le film et combien elle est tonitruante et plus frappante dans l'oeuvre originale.

Mais, pourtant, il y a du bon. Et c'est pour cela que c'est dommage.

Dans le quota woke, on note Art Malik (Tuer n'est pas jouer, True Lies), toujours impeccable, très appréciable ici. Mais on est loin du Grimsby original, à la fois plus européen et plus vieux gouverneur prêt de son bonnet et à côté de ses souliers. S'il eût s'agit d'un autre gouverneur que Grimsby, plus complice avec le prince que le vieil anglais, cela aurait été bien plus intéressant.

On saluera la courte prestation de Jessica Alexander qui dépasse de talent en peu de temps et Mélissa McCarthy (Baronne du wokisme s'il en est) et Halle Bailey (qui, comme Malik, aurait pu être un nouveau personnage, remplaçant l'immonde Polochon live, par exemple).

Quant aux discours digressistes, ils se retournent tant contre eux-mêmes qu'ils en deviennent attachants: en faisant de l'île de la mère d'Éric le point de départ d'un monde à convaincre, comprendre l'entreprise woke destinée à éveiller les esprits, on en fait aussi le lieu d'un combat entre les mondes de la Terre et de la Mer. Et si les messages écologiques s'auto-contredisent (les humains maltraitent les fonds marins avec leurs épaves: Arielle explique qu'ils ne le font pas exprès et c'est justement une de ces épaves qui permet de stopper Ursula à la fin), la guerre entre les mondes et leur réconciliation finale rend le film fédérateur malgré lui. Fédérateur donc meilleur. Si Arielle semble hésiter à reprendre le trident de son père (et comme Jasmine avant elle, devenir le copié-collé de l'antagoniste), elle le lui rapporte finalement, restant humble et véritablement héroïque.

La VF nous offre un caméo vocal de Claire Guyot, la voix originale d'Arielle tout en offrant le rôle vocal d'Arielle et de l'usurpatrice à Cerise Calixte devenue la voix des princesses Disney post-2010: comique dans un récit qui met en scène un vol de voix mais un passage de flambeau intéressant.

Mais ce qui est vraiment fort car propre au film et réelle plus-value au dessin animé, c'est la scène de la bibliothèque qui permet de mettre davantage Arielle et Éric sur un plan d'égalité, en faisant les parfaits amants selon Kessel: des "compléments prédestinés". De même, si les changements annoncés de la chanson "Embrasse-la" ne m'ont pas autant choqué que les "ça" ou "elle" pour remplacer des "ils" ailleurs dans le film, l'idée de faire deviner le prénom de la sirène par ce qui passionne le prince - les étoiles et les constellations - est une réelle bonne idée.

Ajoutez à cela une rencontre de votre serviteur avec le film dans un contexte personnel (pas plus, le "moi est haïssable", écrit Montaigne) qui lui permet d'apprécier cette histoire comme celle du dessin animé voire du conte et la note pourrait obtenir de façon éphémère une étoile de plus.

Mais les quelques points forts se faisant rares quand indiscutablement bons et incertains quand fondés sur l'auto-contradiction de l'idéologie à l'oeuvre, reste ce mot qui clôt l'expérience du film ...

... Dommage.

Frenhofer
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le 26 juil. 2023

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