Perestroika, nous voilà !
Le film sort en 1989 et fait scandale en URSS aussi bien au sein de la critique spécialisée que de la masse des spectateurs russes. On les comprend : La petite Véra est de ces films qui rompent violemment avec les canons du cinéma soviétique de l'époque et qui marquent de manière fracassante l'influence du glastnost et de la perestroika au sein de celui-ci.
C'est loin d'être le premier bien sûr à porter sur la société soviétique un regard acerbe ou à affirmer une aspiration à un changement (qu'on se rappelle des géniaux Pigeon Sauvage et Assa de Sergei Solovyov). En revanche, il est peu probable que ce soit avec le degré de violence de cette Petite Véra qui est perçue dans le cinéma russe comme une petite révolution.
Le premier plan du film annonce déjà le ton. La caméra panoramique filme les tours désertées et mal entretenus où s'entassent des centaines de russes ... La tonalité est au naturalisme social rugueux. Les premières minutes du film, et sa mise en scène ^pseudo-documentaire, à l'arrache, cadrée approximativement, ne vient pas de démentir ce postulat que l'on sent lourdement vériste quant à la société russe de cette fin des années 80.
La première heure de film évoque beaucoup (ou annonce plutôt) la filmographie d'un Larry Clark (en moins hardcore bien sûr). Parents démissionnaires et alcooliques, jeune héroïne désinvolte, drogues, sexualité marquée ...etc. D'ailleurs, je crois bien que c'est le premier film soviétique à représenter la sexualité de manière frontale (pas de pipes en gros plan, non, mais des seins en veux-tu, en voilà, et une vraie scène de coït) dans un cinéma soviétique alors franchement frileux en nudité. C'est peut-être aussi pour cela que le film a fait l'effet d'une bombe à sa sortie en Russie.
Bref, toute cette première partie est assez déterministe, le naturalisme social à l'oeuvre est franchement pesant, et le tableau dressé pas des plus réjouissants.
Le reste du film est bien plus intimiste et semble s'éloigner du "sordide" (tout est relatif, on n'est pas non plus devant un film purulent à la Lilya-4-ever) et de la subversion un tantinet gratuites du début. Puchil parvient même à atteindre des moments de grâce aussi fugaces qu'inattendus.
LE point positif du film, à mes yeux, c'est le personnage de Véra qui, de jeune fille désinvolte assez énigmatique, se transforme, avec la naissance du sentiment amoureux, en une femme touchante et à fleur de peau, confrontée à des dilemmes moraux cornéliens qui ne la laisseront pas indemnes. L'évolution du personnage se fait d'ailleurs tout en subtilité et il faut ici saluer le talent insoupçonné au début du film d'une actrice qui se sert de la vulgarité apparente de son personnage pour le dévoiler plus en profondeur.
Mais la maladresse du film reste présente entre deux belles scènes. Et entres deux courts moments de poésie du quotidien, on doit supporter des disputes de famille aussi vulgaires qu'exagérées. Dans ses pires passages, le film m'a d'ailleurs évoqué tristement le A nos Amours de Pialat (oui, j'adore ce que fait ce cher Maurice mais je ne peux pas blairer ce film). Et il y a quand même ce vérisme lourd qui continue à pointer et à accuser, en creux ... Le plan final, pseudo-documentaire comme le premier, le confirme.