La Peur
5.9
La Peur

Film de Peter Collinson (1971)



  • Je hais cette horloge. Écoutez. Elle égraine votre vie et se moque de vous. Vous entendez ?

  • Où allez-vous ?!

  • Je vais voir notre bébé. Helen.

  • Ne le touchez pas !

  • Allons-y !

  • Non ! Laissez-le tranquille ! Ne le touchez pas !

  • Ahhhhhhhhh !!! S'il te plaît, Helen. Je te l'ai dit... Ne fais pas ça... Hé hé hé. Allons. Venez le voir.

  • Non ! Ne touchez pas au bébé !



Fright est un film d'horreur britannique sorti en 1971 réalisé par Peter Collinson qui présente un home invasion de taille. Un huis clos claustrophobique efficace, au scénario simple et pourtant très puissant, présentant une intrigue inquiétante et étouffante aux consonances dramatiquement fortes en intensité. Un récit empreint de malaise allant de rebondissement en rebondissement dans une conjoncture réaliste du point de vue de l'action. Une jeune baby-sitter incarnée par Susan George se retrouve dans une vaste et inquiétante demeure à garder le jeune fils d'une femme (Honor Blackman) partie manger au restaurant avec son compagnon. Livrée à elle-même, la jeune baby-sitter va se retrouver confronter à un homme (Ian Bannen) échappé de l'asile, persécuté et déséquilibré.


La mise en scène est remarquable, avec des plans intelligents la caméra dévoile un manoir remarquablement glauque avec des cadres et des prises de vue parfaitement exécuter, rendant l'ambiance du lieu suffisamment dérangeant et étroit (alors que c'est pourtant vaste) pour livrer un contraste favorable à une pièce de théâtre horrifique, avec la composition musicale d'Harry Robinson qui parvient à viser juste. Les gros plan sur les visages fonctionnent bien, représentant le plus souvent la folie de certaines situations, comme lors de la danse macabre avec les perceptions dérangées du tueur. Dans un premier temps l'illustration de l'horreur ne passe que par l'imagination de Susan George qui panique devant les bruits et les ombres étranges illustrés par la vieille demeure, favorisant une atmosphère étouffante. Jusqu'à ce que la véritable menace incarnée par Ian Bannen apparaisse. À partir de ce moment-là, un jeu de torture impitoyable autant psychologique que physique s'enclenche entre la belle et la bête. Un long et éprouvant face à face, peut expressif dans le sang, néanmoins particulièrement violent dans le propos, notamment durant la séquence du viol.


Le casting présenté par le cinéaste est très bon. Avec beaucoup de crédits, les comédiens donnent tout ce qu'ils ont dans le ventre pour livrer un spectacle saisissant. La comédienne Susan George est remarquable, elle parvient habilement à transmettre ses angoisses ainsi que ses souffrances, à travers une peur tyrannique qui ne l'abandonne jamais. Avec une crédibilité dingue, elle transpire, ses yeux tremblent, elle est totalement éprouvé et persécuté. Avec une telle prestation je dis Chapeau bas à Susan George qui apporte un visage éternel à l'horreur britannique. J'ajouterai que j'ai rarement vu une femme si belle, nettement mis en valeur par sa robe courte. Honor Blackman est parfaite en mère très protectrice, qui dès les premières minutes du film montre que quelque chose cloche dans cette maison. Lorsqu'elle reçoit la baby-sitter, elle referme aussitôt la lourde porte bardée de nombreux verrous ce qui alimente notre inquiétude et pose directement un climat hostile.


Ian Bannen, s'est imprégné de folie pour son rôle qui est totalement habité. Bannen, ne porte aucun masque et pourtant il est terrifiant. Il véhicule une image craintive et instable, où de doux comme un agneau inoffensif, il bascule l'instant d'après en machine de mort à la puissance incontrôlable. Un rôle incroyable qu'il joue à merveille. Je suis étonné de n'avoir jusqu'ici jamais entendu parler de ce rôle effrayant et imprévisible. Par contre je me demande comment le jeune enfant de 3 ans à peine (fils du réalisateur), n'est pas devenu fou après ce film, puisqu'il est présent durant presque toutes les scènes violentes. Il se fait même mettre sous la gorge (avec celle de Susan George) un long, pointu, et menaçant morceau de verre avec lequel il prend le temps de glisser le froid du verre sur les visages des pauvres victimes effrayées.


Il n'y a qu'un seul problème avec Fright et c'est le fait que le film coupe régulièrement entre la demeure et le restaurant où se trouve Honor Blackman. C'est dommage car cela brise continuellement les séquences étouffantes instaurées par la confrontation entre la baby-sitter et le psychopathe. Certes les coupes ont un but narratif qui a du sens (même si la police est définitivement inutile et affligeante d'incompétence), seulement si le récit s'en serait tenu à rester exclusivement concentré dans le manoir, je pense qu'on aurait pu avoir un petit chef-d'oeuvre du genre en tenant bien entendu compte de son époque.


En tant qu'ultra fan de John Carpenter, je ne peux que reconnaître dans Fright ce qui posera les inspirations (très évidentes) de l'oeuvre phare de Carpenter " Halloween ". Les codes qui firent le succès du croquemitaine sont quasiment tous présents ici. On retrouve le jeu malsain du voyeur avec la caméra, la baby-sitter devant garder un enfant, une menace représentée par un tueur échappé de l'asile.... Ce qui m'a certainement le plus sauté aux yeux, vient lors du passage à l'acte du tueur qui se fait alors qu'au même moment à la télévision est diffusé un film d'horreur. Dans Halloween Jamie Lee Curtis regarde The Thing d'Howard Hawks (qui sera plus tard un remake de Carpenter lui-même), alors que Susan George regarde L'Invasion des morts-vivants de John Gilling. Il me paraît évident que Fright représente les premiers pas de Michael Myers et de ce qui deviendra plus tard le slasher.


CONCLUSION :


Fright est une belle surprise, qui présente un récit qui sème efficacement les graines de la folie et de la paranoïa dans un climat sous tension anxiogène, fidèlement imprégné et incarné par des comédiens admirables de talents. Le réalisateur Peter Collinson présente et pose les premières bases avant l'heure du film de baby-sitter agressé par un psychopathe échappé de l'asile, qui sera popularisé et fera le succès de Carpenter avec son film Halloween.


À voir absolument !

Créée

le 24 mai 2020

Critique lue 647 fois

39 j'aime

10 commentaires

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