Dans une Marseille moderne, où les téléphones ont remplacés les visites et les pointeuses et les tablettes les livres, où les paysages doux de l'Estaque sont striés par les trains, les avions et autres tramways, gravite toujours pourtant, inébranlable, la bande à Guédiguian, qui ici, malgré sa solidarité, sa vivacité, se présente et s'assume vieillie, définitivement passée dans un autre âge, amoindrie, mais sans que jamais on puisse en épuiser les combinaisons (qui sera l'amant, la fille, le grand-père, l'amie cette fois-ci ?).

Plus fidèle à lui-même que jamais, le rouge Marseillais de toujours signe ici un film fragile, dont les allures banales cachent quelque chose de puissant.


Car dans cette Pie voleuse (métamorphose animale évidente pour la pétillante Ariane Ascaride) les instants en apparences fugaces, les légèretés volées, se doublent d'une épaisseur certaine, d'une émotion brute qui les rend uniques, précieux, sacrés, d'un dîner aux chandelles entre deux vieux amants face à la mer rosée par le soleil couchant à une pièce de piano jouée par un petit fils devant sa grand-mère émue aux larmes, nous émouvant avec elle.

Il est bien ici, comme toujours et sans doute aucun, question de générations, de comment celles-ci s'accordent, sans jamais céder vers le conflit qu'on leur prête souvent. L'histoire, plus elle avance, ruisselle donc petit à petit avec malice des anciens vers les plus jeunes, comme si la vie (et c'est logique) échappait parfois à ces derniers et qu'elle devait être laissée, par la force des choses à leurs enfants, à leurs petits-enfants, quand bien même les erreurs qu'ils feront seront aussi grandes et répétées que les leurs.

Si le film active parfois quelques ressorts faciles du mélo, c'est pour mieux en assumer les conséquences fragiles, et mieux désigner la peur de la folie comme ligne de mire, et la musique, la jeunesse et le désir (celui qui naît, celui qui persiste malgré les années, ou celui qui meurt) comme horizons brûlants et nécessaires pulsions de vie.


Et dans des impulsions presque sorrentiniennes, de jeunes amants se baignent habillés et un ancien admire la mer.


La pie voleuse est un grand Guédiguian, de ceux qui évite l'écueil anecdotique que pouvaient parfois contenir ses précédentes compositions, de ceux qui touchent au plus juste en rappellant, sans dogmatisme, naïveté ou ridicule, combien la générosité et la solidarité sont les rouages premiers d'une société humaine.

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le 25 févr. 2025

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Charles Dubois

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