Sans doute pas le meilleur Almodovar. Cependant on y retrouve ce génie, ces scénarios torturés, cette photogénie et plasticité qui ont fait de lui l'un des cinéastes emblématiques de la nouvelle vague espagnole.. Une histoire tout droit sortie d'un esprit tordu, que l'on connaissait déjà avec ses précédents films. Encore et toujours accès sur le genre, la sexualité, et les relations humaines, le tout empreint de folie Freudienne.
J'aurai pu vous pondre une critique sur la lenteur de certains passages, la grâce émanant des images chirurgicale, la fronde avec laquelle Almodovar signe la photographie de ses plans. Vous dévoiler le contenu du scénario pour les cartésiens qui trouvent que comprendre une intrigue à la fin du film est plus un défaut qu'une qualité (ces gens sont souvent fans de Colombo "ma femme dit toujours"). Vous parler de la présence habituelle et toujours magnifique d'Antonio Banderas en chirurgien fou ou de Marisa Paredes, qui malgré leurs statuts de chouchou du réalisateur espagnol arrivent encore à nous surprendre, à nous prendre dans leurs filets d'acteurs.
Mais non.
Pas envie.
Non, ce qui à fait de ce film, une rose dans les buisson ardent de la filmographie Almodovarienne, ce fut ces divers dédicaces, ces hommages, fort et intimes que le réalisateur laisse paraître entre les lignes, furtivement et à la fois avec force et parfois comme des images subliminales.
En mai 2010, Louise Bourgeois, figure féminine de l'art contemporain décède. Pleurs, larmes, cris d'amour pour son travail; chacun y va de sa perle pour ériger et défendre l'art de la plasticienne française.
Almodovar laisse son hommage, son mot d'amour à travers ce film. Pas un mot d'amour fade et insolent, mais une déclaration dans laquelle il semble nous dire "j'aime ce travail, voyez comme il est en écho avec mon univers". Car oui, tous deux parlent de sexe, d'amour, de relation, de genre plus évidemment. Robert Mapplethorpe photographie Bourgeois avec Fillette et ce sourire si connu, et on imagine bien Almodovar posé sous le diaphragme de Mapplethorpe un vagin sculpté entre les mains, souriant. Almodovar trouve aussi la finesse de ne pas une fois de plus nous infliger les "maman araignées" (oui, parce que sincèrement, ce n'est vraiment pas à mon avis le plus intéressant de son travail). Il préfère nous montrer ses sculptures, ses dessins (si si, les personnages que Vera dessine au mur, ceux avec une tête de maison), les oeuvres moins connues de l'artiste.
D'ailleurs à travers ces dessins muraux, peintures rupestres, (clin d'oeil à l'art préhistorique peut-être?) j'y ai vu un hommage semblable à Roman Opalka. Roman Opalka, artiste contemporain qui jusqu’à sa mort peindra sur des toiles à échelle humaine des chiffres, traces de tous les instants passés. La couleur du mur semble elle-même avoir été choisie pour cette hommage. De plus, Roman Opalka décède en 2011 en août, quelques jours sépare sa mort et la sortie du film. Ou un hommage avec un timing parfait.
Alors simple coïncidence? Est-ce moi qui divague avec mon esprit bien trop empli de tous ces monuments artistiques? Peut-être que mes yeux sont fermés par mon amour pour l'art et donc mon esprit trompé par cet aveuglement, mais je ne pense sincèrement pas.
Car, la chirurgie est un art à par entière, facilement symétrique avec l'art plastique. Almodovar choisit d'ailleurs de lotir ces personnages dans une maison où les tableaux gigantesque étouffent les personnages et l'immensité de l'espace. Les toiles posées sur ces murs n'ont d'ailleurs pas dut être choisie au hasard, on peut croiser des écorchés, des nus... Titien maître de l'anatomie côtoie une chirurgien maître lui aussi de la science du corps. Tellement de symétrie entre l'histoire que raconte Almodovar, l'art et l'image.
Almodovar nous a habitué à faire référence au cinéma, il se joue ici à se confronter à l'art de "la peinture".
Almodovar nous a fait une toile.