Deux choses l'une chers spectateurs et promis ça ne sera pas long. Soit vous n'avez pas lu Mygale et vous pourrez parlementer pendant des heures sur le fait que ce scénar', qu'il est brouillon, qu'il est génial, qu'il est dégoûtant, qu'il est noir... Ça ne sera jamais vraiment qu'à moitié imputable à Almodovar. Soit vous l'avez lu, et dans ce cas à la limite je veux bien entendre votre critique. Pour mieux la critiquer, bien entendu.
Je ne veux pas comparer La Piel que Habito au reste de l'oeuvre d'Almodovar. Caprice sûrement, mais surtout le film brille plus par le fait que ça ne soit pas un Almodovar classique (si tenté qu'on puisse qualifier de classique son cinéma, disons "attendu") que lorsqu'on le cantonne à ses points communs avec les oeuvres précédentes.
Le principal intérêt de l'oeuvre, c'est plutôt son rapport au bouquin d'origine (et je vous entends déjà crier "oh ciel pas de critique comparative, on veut des tripes et de la passion que diable" -ou" ta mère la pute"- patience, ça arrive). Pas tant en quoi le film retranscrit cinématographiquement le livre, mais plutôt en quoi il le transcende. Mygale est un roman que j'ai peu aimé, voyeuriste et se complaisant dans le glauque comme un Closer qui ferait plus de vingt pages. L'opposé du film donc, et sur la même base narrative.
Il se dégage de La Piel que Habito une classe folle : sobriété et raffinement des lieux, des décorations, du mobilier, des tenues. Même goût dans une mise en scène maîtrisée d'un bout à l'autre, jouant avec des jaillissements visuels d'érotismes dans ce décor blanc et sans taches : le rouge sang qui s'étale sur les peaux diaphanes, les draps immaculés, les chemises impeccables et cette robe du même rouge dans laquelle se reflète Vera, image quasiment abstraite malgré la présence du visage et d'une puissance sensuelle et triste à la fois qui m'a cloué sur place.
Quand aux acteurs, ils sont tous d'une justesse incroyable, du début à la fin, et ce malgré la difficulté de leurs personnages oscillant tous entre pulsions et folie. Mention spéciale à Elena Anaya, plastique parfaite et une fragilité qui explose la pellicule autant que le personnage qu'elle incarne, une Vera tourmentée et hyper émouvante. J'avais quasiment pleuré devant la piètre performance de Banderas dans Vous Allez Rencontrer un bel et sombre Inconnu (à sa décharge, tous les acteurs étaient à bailler d'ennui), il regagne ici toute mon admiration, tout à tour homme violent, dominateur et soudain perdu, brisé, nous mettant à chaque instant dans la situation inconfortable d'empathie pour un monstre.
Et tous ces éléments (et encore, je n'ai pas parlé de la B.O., aussi classe avec le passage de Concha Buika -une voix mes braves, une voix!- que les montées en puissance d'Alberto Iglesias -aucun lien, fils unique) viennent soutenir un scénario tiré d'une entreprise littéraire faiblarde pour la pulvériser en une tonne de problématiques toujours effleurées, jamais résolues : le rapport au corps, à cette peau qui accueille sans nous appartenir vraiment (avec, bien entendu le lien direct au transsexualisme, mais est-ce abordé par le film ou est-ce juste parce qu'on sait que c'est d'Almodovar?), au désir que l'on suscite sans le vouloir et celui auquel on ne peut mettre un frein (les viols sont à foison, les motifs toujours différents), l'enfermement, physique, dans une idée, dans l'art, dans sa psychose, tout s'entrechoque et offre une peinture des tourments auxquels l'animal humain n'a de cesse d'échapper pour mieux, toujours, y retourner.
Un moment sacré de cinéma
lultrafame
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le 27 août 2011

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lultrafame

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