Les films sur l’usurpation d’identité sont presque un sous-genre en soi. Qu’ils soient étrangers (« Bienvenue à Gattaca », « Volte-face », le multi-primé « Parasite », ...) ou français (« Le retour de Martin Guerre », « Plein soleil », « A l’origine », ...), qu’ils se déroulent dans le passé (« Arrête-moi si tu peux ») ou le présent (« Titane ») ou encore qu’ils soient sur le mode de la comédie ou plus souvent du thriller, c’est un terreau de création important pour le cinéma et souvent signe de réussite. « La place d’une autre » (tout est dans le titre) ne déroge pas à la règle et se positionne comme une réussite discrète dans le genre. On pourrait croire l’histoire tirée d’une histoire vraie mais non. C’est un drame d’époque comme « Au-revoir là-haut » qui utilisait également ce procédé pour dérouler son intrigue. Pour changer de vie, une jeune infirmière pauvre va prendre la place de lectrice pour une grande bourgeoise à une jeune femme qu’elle pensait morte durant la Grande Guerre.
« La place d’une autre » adopte, dans un étui très académique mais totalement adapté à ce qu’il raconte, les apparats du drame d’époque mâtiné de suspense. Mais l’exploration de la condition sociale tout comme celle de la condition féminine de l’époque sont bien présentes en arrière-plan. On parle également ici beaucoup et avec tact de la fatalité de nos destins. On comprend qu’à l’époque, sans un coup de pouce du destin ou si on ne force pas d’une manière ou d’une autre, difficile d’échapper à sa condition sociale de naissance. Les thématiques proposées ici sont certes déjà vues mais riches et adroitement traitées. Les notions de mensonges et de moralité sont aussi bien présentes par le prisme de cette usurpation d’identité, ce qui procure à ce premier long-métrage réussi quelques moments de tension bienvenus. On apprécie ressentir les mêmes peurs et craintes que le personnage principal mais on est tout autant triste pour celle dont elle a pris la place.
A ce petit jeu, Lyna Khoudri, la nouvelle étoile montante du cinéma français découverte dans le très beau « Papicha », et Maud Wyler forment un duo antagoniste particulièrement crédible. Sabine Azéma en bourgeoise vieillissante n’est pas en reste dans un jeu étonnement en retenue. La mise en scène classique mais jamais poussiéreuse d’Aurélia Georges est de circonstance et elle sait soigner ses plans. « La place d’une autre » est donc un film à l’ancienne sur la forme comme sur le fond, rappelant au bon souvenir d’œuvres plus anciennes, mais au propos pas si révolu que ça et qui construit des ponts avec notre époque. On voit bien qu’en un siècle, si la condition des femmes a évolué il n’en est pas forcément de même du niveau social qui préfigure le futur de tout un chacun. Prenant, profond et bien incarné, on peut parler d’une bonne surprise qui donne envie de connaître la suite de ce premier film pour sa réalisatrice.
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