Le classicisme, au cinéma, n'est pas forcément synonyme d'empesé voire d'ennuyeux, si l'histoire racontée tient ses promesses avec une interprétation de haut vol et des décors réalistes, entre autres choses. La place d'une autre n'est pas loin de répondre à ces critères mais sa mise en scène est vraiment trop passe-partout pour pouvoir dynamiser, un récit très sage, malgré la violence sociale de la France de 1914 qui y est décrite avec justesse et qui, d'une manière certaine, fait écho à notre époque. L'héroïne de La place d'une autre est une usurpatrice d'identité, une voleuse de vie opportuniste qui saisit la seule possibilité de s'élever, quel que soit l'aspect moral de son geste. Si son côté thriller, avec un retour d'entre les morts, est un tantinet téléphoné, c'est surtout dans la présentation pleine de bienveillance de l'impostrice (tiens, pourquoi "imposteur" n'a t-il pas de féminin ?) par rapport à la bourgeoise qu'elle a spoliée qui indique que le film ne nous donne pas la liberté de choisir notre camp. Plus intéressante, sans aucun doute, est la relation qui s'établit entre la vieille dame et sa lectrice, sous l’œil circonspect des serviteurs. Et c'est grâce au talent de la toujours splendide Sabine Azéma et de la de plus en plus indispensable Lyna Khoudri que l'alchimie fonctionne entre les deux personnages et crédibilise le récit, jusqu'à son dénouement. Oui, dommage qu'il n'y ait pas davantage de flamme dans la réalisation d'Aurélia Georges et, peut être aussi, de brillance dans les dialogues.