Depuis tout petit, j’aime les univers de science-fiction et les films d’animation. Élevé à grands coups de Star Wars d’un côté, et de Miyazaki, Disney ou encore Dreamworks de l’autre, un film mélangeant les deux genres ne pouvait que me plaire. En effet, La Planète au trésor a longtemps été l’un de mes films d’animation favoris, que je regardais régulièrement pour ses bateaux volants, ses pirates de l’espace, ses musiques entêtantes et ses personnages marquants. Les années ont passé, et même si mes goûts et mon regard sur ce film ont quelque peu évolué, il n’en demeure pas moins un film qui continue de me toucher et de me faire rêver. La nostalgie doit avoir sa part à jouer dans tout ça, mais qu’importe ; quel plaisir de repartir à l’aventure à chaque nouveau visionnage !


La Planète au trésor est une odyssée, une grande aventure aux confins des étoiles mêlée à un voyage initiatique évident pour le personnage principal, Jim. La première chose qui rend ce Disney marquant, c’est son ambiance visuelle : une transposition des architectures, tenues et technologies du XIXe siècle dans l’espace du futur, donnant un cocktail « steampunk » très réussi. La direction artistique est épatante, offrant des séquences de pur émerveillement (planète à la flore luxuriante, villes flottantes aux dimensions vertigineuses, bancs de baleines galactiques, …) et de contemplation béate. Le mélange entre dessins et modèles 3D marque parfois le coup (on est en 2002, rappelons-le), mais l’incursion de ces images de synthèses dans les planches faites à la main ne trahit à aucun moment la cohérence artistique d’ensemble. En ce sens, on peut dire que le film a plutôt bien vieilli. Bien aidée par sa bande-son parfaite (que ce soit la chanson principale ou les musiques d’ambiance qui créent un sentiment de flottement océanique), l’ambiance visuelle et sonore est donc irréprochable.


Mais au-delà de sa jolie plastique, La Planète au trésor marque surtout pour sa maturité de ton, de développement des relations et de thèmes abordés. Les événements ne manquent pas de gravité (l’abandon du père, la mort de certains protagonistes ou leur grave blessure, la trahison du cyborg) et habillent le métrage d’une atmosphère plus sombre qu’à l’accoutumée, ayant de quoi remuer les plus jeunes spectateurs (dont je fis partie à sa sortie). Cette maturité va jusque dans la structure narrative et la construction des personnages : c’est un film de pirates, d’aventure, de science-fiction, mais l’action est finalement moins importante que le subtil tissage des relations entre les protagonistes. Et c’est un pari risqué, venant de Disney, qui ne se limite pas au sempiternel film de prince et princesse opposés à la vilaine sorcière.


Non, ici, les relations sont bien plus complexes, et les personnages plus nuancés. « Jimbo » n’est pas le héros lisse et parfait auquel on pourrait s’attendre : c’est un petit voyou, un peu tête à claques sur les bords, qui défie toute autorité et cherche à s’affranchir des lois. Il n’est clairement pas un prince charmant, et ne sera d’ailleurs sujet à aucune romance.
Il y a évidemment certains antagonistes très monolithiques, mais le cyborg prouve qu’un méchant que l’on comprend, dont on peut avoir pitié, et qui malgré ses méthodes douteuses sait être attachant, est bien plus marquant que n’importe quel autre antagoniste qui ne cherche qu’à dominer le monde ou n’existe que par besoin de créer des problèmes au héros. Avec ce cyborg, on hésite entre l’amour et la haine, car on ne peut ni être de son côté ni le détester pour autant.
Outre le reste du casting – fort sympathique au demeurant –, il y a évidemment Murphy, l’habituelle mascotte Disney toute mignonne et attachante (sorte de Calcifer du Château Ambulant, en moins bavard, mais tout aussi drôle par son comique de geste savoureux). Et puis il y a Ben, le robot de la planète au trésor, tout droit sorti d’une union farfelue entre C3PO et Jar-Jar Binks ; un personnage certes grotesque, qui a tout pour être lourd et détestable, mais qui m’a toujours paru étonnamment touchant.


Comme souvent chez Disney, le thème de la famille prend une place importante dans le récit, bien qu’étant traité plus implicitement ici. Le thème du père est central, mais légèrement dévié : l’absence du père, entraînant l’absence de repères et de modèle, va trouver écho dans le personnage du cyborg. Leur relation sera, à l’image d’une relation père/fils, teintée de respect, d’admiration, mais surtout de défi et de conflit. Tous les deux animés par la recherche de grandeur, de gloire et de reconnaissance, il s’agira pour Jimbo de trouver sa place dans ce vaste monde et pour le cyborg d’entamer une rédemption inespérée. C’est rare, je trouve, qu’un Disney lie autant son « héros » et son « méchant », qu’il les fasse évoluer l’un grâce à l’autre dans une relation de réciprocité égalitaire. C’est aussi ce qui rend ce film aussi déchirant, lorsque ces deux personnages voient leurs chemins diverger, faisant fi devant nos yeux de toutes ces scènes d’apprentissage et de complicité qui nous les avaient rendus inséparables.


Puisqu’il est évident que La Planète au trésor est une réécriture de L’Île au trésor de Stevenson (mêmes noms de personnages, même situation initiale, le changement d’époque et d’échelle ayant simplement transformé l’île en planète), on peut appliquer à cette planète la même symbolique que la littérature classique a toujours attribuée à l’île : un lieu mystérieux, clos, désert et sauvage, où l’on tourne en rond, – devenant l’allégorie du repli intérieur et de l’introspection, autrement dit le parfait théâtre du parcours initiatique. Tout comme dans L’Odyssée d’Homère, où l’île est synonyme de quête de sens pour Ulysse (cf. le passage sur l’île des Lotophages, par exemple), ici la planète est le lieu où Jim trouvera ses repères, sa place dans le monde et donc d’une certaine manière le sens de sa vie ; et c’est évidemment ce que symbolise ce fameux « trésor » : la vérité sur soi.


Comme quoi, c’est fou comme un « simple » film d’animation Disney peut faire réfléchir, des années après, alors qu’on ne le regardait à l'époque que pour ses belles images, en chantant ses chansons à gorge déployée. Les années passent, mais l’estime que j’ai pour La Planète au trésor ne périt pas, au contraire : j’y vois de plus en plus de choses que mes yeux d’enfant ne pouvaient appréhender, tout en conservant le même sentiment de découverte et d’émerveillement naïf qui anime n’importe quel petit garçon.

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le 21 avr. 2018

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Jules

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