Adapté du roman de Pierre Boulle paru en 1963, La Planète des Singes a connu avant 2001 cinq films et une série TV, sortis entre 1968 et 1974.
Si l'œuvre originale aura marqué les esprits par son scénario, ses thématiques, son acteur vedette (Charlton Heston) et sa fin, ses 4 suites sont à l'inverse vite tombées aux oubliettes, bien qu'aucune ne soit à jeter. La série TV de 1974 fut par contre une grande déception pour moi, victime de sa mauvaise écriture et d'une absence manifeste de fil conducteur.
L'échec de la série TV, combiné à un enchaînement peut être trop rapproché de celle-ci et des 5 films, conduisit à l'arrêt de la licence pendant une longue période.
C'est en 1988 que la Fox remit un film en chantier. Divers réalisateurs et scénaristes furent successivement engagés mais aucun projet n'arriva à terme, en raison de désaccords avec les producteurs de la Fox. Le déclic arriva en 1999 quand Tim Burton, William Broyles et Richard Zanuck intègrèrent le projet.
L'équipe dut toutefois faire face à un timing serré, afin de respecter le délai fixé par la Fox prévoyant une sortie à l'été 2001. Le scénario dut être réécrit pour réduire le coût du film, la post-production dut se faire dans des délais très courts... Bref, pour un projet aussi ambitieux, travailler dans l'urgence ne dut pas être simple.
Avant de critiquer le film, un point important est à rappeler, souvent oublié quand je lis de nombreuses critiques : ce nouveau Planète des Singes n'est ni un remake ni une suite des anciens, mais UNE NOUVELLE ADAPTATION du roman de Pierre Boulle.
- Je commencerai ma critique par tout ce qui a attrait au travail de conception de l'univers simiesque : costumes, maquillage, gestuelle, déplacements.
Sublimé par un travail titanesque à tous niveaux, l'univers simiesque apparaît sous nos yeux dans un réalisme saisissant. Les costumes et armures sont magnifiques et diversifiés, le maquillage des Singes (ceux ayant un rôle important durent supporter 4 heures de maquillage quotidiennes) peaufiné au détail prêt. Pour apprendre à agir et à se mouvoir comme des Singes, acteurs, cascadeurs et figurants s'entrainèrent durant 12 semaines au sein de la fameuse " école des Singes " sous l'encadrement de spécialistes et au contact de vrais singes.Le tournage prend lieu dans des lieux méticuleusement choisis (champ de lave à Hawaï, lac artificiel Powell, désert des Mojaves), se prêtant à merveille à l'intrigue du film. Les décors de la ville des Singes et du site de Calima sont construits avec beaucoup de minutie, signes d'un travail de grande qualité.
- Venons-en maintenant au point qui a davantage fait débat et divisé les critiques : le SCÉNARIO.
Contrairement au roman de Pierre Boulle ainsi qu'aux films et à la série des années 60-70, l'histoire ne prend pas place sur la Terre du futur mais sur une planète fictive nommée Ashlar. Ce changement de lieu a fortement déplu et déchaîné de violentes critiques, accusant le film de tuer l'oeuvre originale en modifiant son message (si marqué dans son fameux FINAL). Mais si ce changement de lieu a de quoi dérouter, il se défend, nous amenant dans une nouvelle dynamique, intégrant de nouvelles thématiques telles que le renversement des valeurs, ou en reprenant des anciennes déjà abordées dans les anciens films, comme la dynamique circulaire.
Comme dans l'ensemble de la saga, celle-ci est une nouvelle fois plus que centrale, amenant de vrais questionnements sur l'évolution, les convictions, les préjugés et les croyances, où les personnages se retrouvent plongés dans une incertitude permanente. C'est ici que la temporalité va prendre toute sa place, par le biais des voyages dans le temps.
Si cet aspect, très axé science-fiction, va servir l'intrigue, il restera toutefois essentiellement au service de l'action, reléguant la réflexion de fond au second plan, prenant ainsi le contre-pied du film de 1968, très profond dans sa réflexion mais moins orienté action. Si ce point ne m'a pas dérangé à titre personnel, on le retrouve souvent dans les critiques négatives.
Mais si l'action est plaisante à suivre et le scénario non dénué d'intérêt, je reproche toutefois un manque de profondeur dans les deux. La réflexion sur l'ordre simiesque n'est pas assez fouillée, tout comme les motivations des personnages, bien que la majeure partie d'entre eux soient sympathiques et attachants. L'action manque elle-aussi globalement d'impact, n'atteignant jamais l'apothéose tant attendue, y compris dans la bataille finale.
- Ce manque de profondeur touche aussi les personnages dans leur majorité.
Bien que son personnage apparaisse fort et déterminé, Mark Wahlberg manque encore ici de charisme et de nuance, se montrant trop linéaire dans son interprétation. Même si je l'ai quand même apprécié dans ce rôle, l'acteur ne gagnera ma totale estime que 4 ans plus tard avec Quatre Frères (2005).
Thade est fou et cruel mais sans que cela soit suffisamment fouillé pour vraiment nous marquer.
Limbo est sympathique mais trop axé sur l'humour, là où son ambiguïté aurait pu servir l'intrigue et le suspense.
Attar et Krull sont intéressants mais sans doute pas assez mis en avant pour prendre une place d'envergure.
Et plus grande déception : DAENA, l'esclave rebelle, LOVE INTEREST du héros. Belle, sauvage et en alchimie avec Davidson, le personnage n'a malheureusement que peu de dialogues et de réelle évolution, offrant un bilan proche de celui de Nova dans le film de 1968 : FADE.
En termes de personnages, la vraie réussite est bien ARI, femelle chimpanzée. Intelligente, sensible et rebelle, le personnage montre dans le même temps une vraie sensualité, parvenant à titiller nos sens malgré la tonne de maquillage. Un grand bravo à Helena Bonham Carter, actrice de génie qui deviendra suite au film la compagne de Tim Burton pendant de longues années.
- Dernier point de réflexion : la FIN OUVERTE.
Très critiquée au vu de la comparaison avec celle de 1968, la fin du film est en réalité bien plus proche de celle du roman que ne l'était celle de l'œuvre originale. Surprenante, intrigante, énigmatique, cette fin devait initialement servir d'ouverture à d'éventuelles suites. Des suites qui ne virent jamais le jour... Nous n'aurons donc malheureusement jamais d'explications sur le COMMENT CELA EST ARRIVÉ ?
- En conclusion, je qualifierai cette nouvelle adaptation de la Planète des Singes de très bonne sur la forme mais d'inaboutie sur le fond. Si le travail autour de l'univers simiesque est impressionnant, il manque quelque chose au film pour en faire une réussite totale.