En rédigeant cet avis, je me rends compte qu'il eût été judicieux de commencer par celui du roman de Pierre Boulle. Dans mon esprit, roman et film (de Shaffner) étaient suffisamment différents pour ne pas avoir à en faire le lien. En fait, les choses ne sont pas si simples car sur le fond il y a de vraies similitudes. En particulier, la théorie de l'évolution qui, comme on sait, privilégie l'évolution exclusive de l'homme, y est battue en brèche et rejoint le cauchemar de l'homme de son retour à terme vers un statut d'animal et de soumission à un autre ordre.
Cela signifie simplement que cet avis risque d'être un peu réadapté lorsque je ferai la critique du livre.
Revenons à Schaffner, le scénario s'inspire du roman en en simplifiant grandement l'approche sous deux angles : d'abord, l'histoire devient linéaire puisque les astronautes débarquent sur une planète et sont condamnés à y rester suite à la perte de leur fusée. Et puis surtout, l'état d'évolution des singes est nettement moins évolué et correspondrait plutôt à une sorte de moyen-âge. La science n'est encore pas très développée et est régimentée par un pouvoir politico-religieux qui, sous couvert d'un dogme, s'interdit toute remise en cause. Ceci est d'ailleurs parfaitement cohérent avec la vision du scénariste de toute cette aventure (qu'on comprend brutalement lors du twist final assez grandiose quand on voit le film pour la première fois).
Un point intéressant qui est développé dans le film c'est la hiérarchisation de la société avec trois "ordres". Les dirigeants politico -religieux sont les orang-outang (plutôt bornés), les scientifiques (au sens large) sont les chimpanzés (considérés aujourd'hui comme les singes les plus proches des hommes) et les militaires sont les gorilles. Les hommes ne comptent pas puisqu'ils sont des animaux incapables de parler. Les orang-outang qui connaissent le fin mot de l'Histoire puisqu'ils savent sur quelles bases ils ont bâti leur dogme, s'opposent à toute évolution voire même à toute recherche car de nature à remettre en cause leur suprématie.
Le film est surtout une mise en scène assez extraordinaire des singes qui sont des acteurs dont les visages seront masqués, maquillés avec des prothèses très élaborées. Le maître d'œuvre est John Chambers, un maquilleur expérimenté et réputé. Le résultat est très bluffant.
Un point qui rend les gorilles assez terrifiants c'est qu'ils montent des chevaux noirs et comme ils sont habillés de noir, on a l'impression qu'il s'agit de centaures.
Les tournages des scènes désertiques ont lieu en Arizona et en particulier près de Glen Canyon.
Evidemment Kim Hunter dans le rôle de Zira , McDowall dans celui de Cornelius et James Whitmore dans le rôle d'un juge sont plutôt méconnaissables.
Pour finir avec le casting, Charlon Heston est excellent dans le rôle de l'astronaute tombé dans un monde à l'envers, terrifié par son nouveau statut d'animal.
C'est un film durablement impressionnant. Il est absolument indispensable de ne rien avoir lu ou vu sur le sujet lors du premier visionnage. Et surtout ne pas avoir regardé l'intrigante couverture de mon boitier de DVD … Les visionnages suivants servent à approfondir et à savourer cette œuvre philosophiquement passionnante.