Quand l’homme descend le singe… ou l’inverse.
Certains films sont méchamment desservis par leur bande annonce. Au vu de celle de cet opus, j’avais toutes les raisons de me méfier : scénario étique, structure binaire (l’humain gentil avec le singe itou contre l’humain vindicatif) et du revu en matière d’action : en gros, des tanks et des explosions.
Je ne m’attendais donc pas à grand-chose en allant voir ce film, ce qui accroît sans doute l’effet de bonne surprise.
Cette suite est maligne à plus d’un titre. Ne nous étendons pas trop sur les effets numériques qui, on l’aura vu partout, sont une nouvelle fois bluffants. La capacité à doter d’une personnalité les visages et les attitudes corporelles des singes (en facilitant leur identification par des cicatrices ou petit accessoires de bon aloi) est impressionnante. Comme pour équilibrer cette tendance à dériver vers le film d’animation, le récit se situe majoritairement chez les singes, dans la forêt : c’est la belle séquence de chasse qui ouvre le film, leur habitat, et l’irruption des hommes chez eux qui déclenche l’élément perturbateur.
Visuellement, le film est honorable, se permettant quelques audaces méritantes : la poursuite par les singes dans la forteresse humaine occasionne de beaux déplacements de caméra, tout comme l’idée assez jubilatoire d’une caméra subjective sur Koba lorsqu’il grimpe sur la tourelle du tank, permettant une prise de vue à 360° du chaos guerrier.
D’une façon générale, l’agilité simiesque est exploitée avec intelligence : la possession des troncs et des branches, puis de la grande tour est toujours rendue avec fluidité et un sens de l’espace franchement efficace.
Certes, le film ne fait pas toujours dans la dentelle : le didactisme pointe, et le gentil humain est un peu trop saint pour être convaincant. L’exposition n’est pas sans lourdeur, et la cohérence parfois bancale. L’idée que les humains aient tenu dix ans avant de penser au barrage ou contacter l’extérieur, qu’ils aient encore des clopes ou de l’essence fait sourire. Le recours aux pains de C4 fait vraiment très peur, mais laisse place à une exploitation finalement assez mesurée.
Pour revenir à la famille, thème éculé s’il en est dans les blockbusters, le sujet donne finalement lieu à l’une des singularités du film. C’est très clairement une tragédie antique, rendant à César ce qui lui appartient vraiment : une histoire sur le pouvoir et la filiation, sur la trahison et la confiance. Le scénario, certes un peu surligné par moments, propose un va et vient constant entre les hommes et les singes par rapport à leur gestion du pouvoir. Belligérants et pacifistes s’opposent dans chaque camp, et à chaque nouvelle étape d’une coexistence pacifiée répond un cran parallèle dans la montée de la violence. Annoncé dès le titre, l’inévitable affrontement est sans cesse différé et, avant d’être binaire, relève surtout des fractures internes de chaque race, incapable de s’entendre sur la conduite à tenir face à l’autre. Cette notion d’altérité exploitée en miroir (l’humain bestial refusant de penser, ivre de vengeance, ou le singe intelligent s’auto-caricaturant en créature de cirque pour tromper les humains bien plus stupides que lui) achève de faire du film une réflexion plus intelligente qu’il n’y parait, audacieuse dans sa façon de faire primer la réflexion stratégique sur les effets numériques.
Une réussite.
(7,5/10)