C'est une sorte de retour au point de départ que nous offre « La planète des singes, le nouveau royaume", l'exploration d'une planète désormais dominée par des singes à la civilisation balbutiante tandis que celle de l'homme (la civilisation) est en totale régression et tend vers une société primitive. Comme dans l'opus originel de 1968, l'homme a perdu l'usage de la parole, grogne et vocifère, les femmes s'appellent toutes Nova (du moins c'est ainsi que les singes les nomment) et c'est l'une d'entre elles qui accompagnera Noa, jeune singe d'une tribu vivant dans la forêt décimée par le tyran Proximus César, dans sa quête de vengeance.
Nous sommes quelques siècles après la mort de César (et donc le dernier opus de la trilogie conclue en 2017 par Matt Reeves), les simiens comme les hommes avant eux sont divisés en faction, les plus forts, les gorilles tyrannisent et asservissent les plus faibles sur une terre ou gisent encore ça et là les ruines de la société des hommes lorsqu'elle était à son apogée. La quête ultime du tyran est l'ouverture d'une forteresse "chambre-silo" censée contenir toutes les technologies et les armes de l'ancienne civilisation humaine, pouvant apporter le pouvoir absolu à celui qui en prendra possession (où Sauron et l'anneau de pouvoir ne sont pas loin).
Difficile donc dans un premier de situer "Le nouveau royaume" dans le contexte "'philosophique" de la saga qui constamment oppose l'homme et le singe, la frontière idéologique entre les des deux espèces est bien plus floue : évidemment, ce nouvel opus prend la suite directe de "Suprématie", la transmission des enseignements de César (devenu figure messianique) est au cœur du propos, mais la transformation de la société égalitaire en ensemble hiérarchisé souhaitée le belliqueux Proximus emprunte beaucoup aux caractères humains. Son mode de gouvernance dictatorial conduit (dans un premier temps à une alliance d'opportunité entre Noa, la jeune humaine et le sage Raka (Un Orang-outang) dans un acte de résistance, avant de laisser poindre habilement des zones d'ombres sur les intentions de certains personnages dont l'ambiguïté révélée souvent à rebours est un des atouts majeurs du récit, et à l'évidence une porte ouverte vers les inévitables suites à venir.
Si cet aspect politique, voire sociologique est un point fort de "l'épisode" de Wes Ball, il apparait que son développement pose quelque peu problème dans l'équilibre de l'ensemble d'un projet aux intentions pas tout à fait abouties et qui comme c'est trop souvent le cas esquisse de trop nombreuses thématiques pour ne pas les développer pleinement. Les rites du "clan" de Noa initiés dans la belle scène d'ouverture, et plus globalement toutes les interactions et croyances qui animent les membres de la tribu sont rapidement évacuées, tout comme la populace simiesque asservie à Proximus César qui apparait soudainement suant et grognant tentant d'ouvrir la porte du fameux sésame, parfois le récit narration se perd un peu dans ce souci constant d'alterner des scènes d'action (au demeurant très efficaces) et l'évolution des éléments stratégiques de l'intrique.
Mais, la bonne surprise de cette énième singerie, désormais estampillée Disney tient justement dans le fait que la franchise conserve (pour l'instant) son essence. Même si le film est ancré dans la référence : un gros zest d'Avatar dans la conception de l'univers du peuple singe de la forêt, une touche du "Roi lion" dans la structuration des causes de la révolte d'un gamin innocent et empathique, et quelques scènes de l'original rejouées quasi à l'identique; le cru 2024 affiche une véritable construction scénaristique, une esthétique toujours travaillée (la motion capture, les détails des visages des hominiens sont admirables) et nous laisse sur l'heureuse sensation que le "Nouveau Royaume" a été conçu avec beaucoup d'envie, de respect pour la franchise et ... les spectateurs. C'est devenu tellement rare....