Spécisme : idéologie qui postule une hiérarchie entre les espèces, spécialement la supériorité de l'être humain sur les animaux. Terme revendiqué et utilisé par les antispécistes.
Le terme est créé par Richard D. Ryder, psychologue, dans un article de 1970 intitulé Speciesism.
Le personnage du Colonel dans cet opus de La Planète des singes doit faire face à une maladie qui retire aux humains la parole, qui est, comme il l'affirme explicitement, "ce qui fait de nous des hommes". Pour appuyer les propos de ce monsieur, on pourrait affirmer en effet que les humains sont seuls capables de paroles, mais non pas de communication : de nombreux animaux présentent la capacité à communiquer entre eux (les dauphins par exemple) et avec d'autres espèces (perroquets, singes, etc.). Pour autant, communiquer n'est pas parler, et la capacité d'imitation des perroquets ou des singes n'en fait pas des êtres capables de parler. Affinons donc les propos du Colonel : les hommes ne sont pas seuls à pouvoir utiliser la parole, puisque les perroquets le peuvent, mais ils sont seuls à savoir parler. La raison en est la suivante : parler est le signe de la pensée. Parler, c'est mettre en mots une pensée, et aucun homme, si hébété, mal en point ou que sais-je, n'est incapable d'arranger quatre mots pour faire entendre sa pensée ; et ce n'est pas le cas des animaux. On peut objecter que le perroquet parle bien, puisqu'il a la parole : on répondra que le perroquet peut proférer des paroles, sans pour autant pouvoir parler, qu'il imite ce qu'il a entendu par habitude ; que les perroquets ne créent pas un langage exprimant leurs pensées. Ce n'est donc pas une question d'organes : perroquets et humains ont des instruments naturels similaires qui leur permettent de changer des sons en paroles. De même, les hommes nés sourds et muets inventent des signes pour donner à voir leurs pensées : ils créent un langage, dans le but de donner à voir leurs pensées.
Ces affirmations mènent à une conséquence de taille : les animaux ne pensent pas, hommes mis à part. On rétorquera, offusqué, que Croquette, magnifique labrador sable, sait se faire entendre quand elle réclame sa gamelle, que Marguerite, charolaise de bon aloi, geint de douleur sous le barbarisme primal de la scie à os de l'abattoir. On répondra que ces chères Croquette et Marguerite ne font pas part d'une pensée, mais d'un ressenti, d'une émotion : faim, peur, soif, joie, souffrance, etc. C'est une "passion", un "mouvement naturel" qui est communiqué par Croquette et Marguerite, certainement pas une pensée. Explicitons la différence : en communiquant sa peur ou sa faim, l'animal réagit à des stimuli qu'il perçoit ; l'animal communique un ressenti. En exprimant sa pensée par le langage, l'homme communique une chose qui ne dépend pas de son état physique, une chose qui peut désigner des objets abstraits ("le" bonheur, "la" morale, "la" divinité), parfois même non existants (une chimère, un centaure).
Tout l'impact de cette trilogie moderne de La Planète des singes est basé sur une considération, de taille : et si les singes pouvaient parler ? Dans ce troisième opus, la question atteint un nouveau degré : et si nous pouvions ne plus parler ?
Même si, malheureusement, cette dernière question est maladroitement traitée, puisque les humains ne perdent pas le langage, mais seulement la parole, ce qui n'est pas du tout la même chose, mais qui, j'imagine, pour un blockbuster, est déjà pas mal. Par exemple, la gamine recueillie par les singes apprend rapidement quelques signes afin de pouvoir parler.
Tout ce que je viens de présenter (et de défendre), je l'ai, de manière éhontée, emprunté à la Cinquième Partie du Discours de la méthode de ce bon vieux René Descartes (sauf peut-être quelques éléments, telles Croquette et Marguerite bien sûr). Je n'y ajoute pas ses considérations sur l'animal-machine, qui feraient exploser le débat dans les commentaires ; je crois qu'il y a déjà matière à débat, rien qu'en affirmant que les hommes sont les seuls êtres capables de parler, et a fortiori de penser. Mais c'est profondément ce que cette trilogie interroge, la capacité des hommes à parler qui perd son caractère unique : un singe, César, a su dire Non, et l'a pensé avant de le dire, ce qui bouleverse la distinction fondamentale entre les hommes et les autres animaux.