A la base, la saga de « La Planète des Singes » portait à réflexion entre la foi et raison. Dorénavant, elle suggère de retracer l’origine biblique de l’espèce qui dominera la Terre. Matt Reeves a pris soin d’installer un décor sévère avec l’Histoire. De la dictature à la notion d’extermination, on étudie toutes les nuances qui donnent vie aux morales que l’on aborde intelligemment.
Sans surprise, l’intrigue passionne, non pas par l’action survendue à tort dans une bande-annonce paresseuse à l’image d’un blockbuster type, mais par son ingéniosité qui déverrouille les émotions. Plus intense que dans les Origines et l’Affrontement, ce volet de clôture propose un ton prononcé sur le thème de la vengeance. Si Reeves a bien réussi son coup en nous dévoilant ce que la communication par la gestuelle est un art tout aussi persuasif que la parole, on rencontre ici des lacunes dans la gestion des discours qui s’exposent à des longueurs inutiles. On pensera notamment au colonel (Woody Harrelson), qui expose un point de vue qui sème le doute et l’ambiguïté dans la lecture d’un méchant, pas si méchant qu’on l’aurait imaginé. L’écriture dévie du schéma manichéen que l’on connait que trop bien. Il est à la fois difficile de camper derrière la motivation qui l’habite et de la réfuter. Voilà bien un personnage digne d’être comparé au grand héros de cette trilogie.
Renommé pour ses performances captures bluffant, Andy Serkis reprend du service afin de rendre justice à Caesar et tous ceux qui le soutiennent. Essayant d’étouffer une guerre qu’il n’a ni voulu ni initié, il sera tout de même mené à la frontière entre la raison et la vengeance pour accomplir son destin. Portant en lui le même message que Moïse et sa prophétie, il marque les esprits par sa détermination. La condition humaine, comme animale, est toujours traitée avec recul et discernement. On ne pose pas les pieds dans le plat, on se contente d’abord d’observer avant d’en connaître la saveur. Le récit prend son temps pour se poser et démontre que le silence est d’or. L’enjeu L’usage de la parole se complexifie alors. Elle est la marque de toute conscience, d’intelligence et de bonté. Darwin aurait de nombreuses raisons pour redescendre six pieds sous terre, mais la nature de l’évolution qu’emprunte le récit est la meilleure lecture possible afin d’en comprendre ses subtilités.
Par ailleurs, on sent que le raccord n’est pas total avec la version de Franklin Schaffner (1968). Un souci de génération en serait la principale cause. Cependant, la part de mystère qui plane encore sur la société construite par la suite est agréable à conserver. Notons ensuite que la guerre finale entre l’Homme et les Singes souffre d’une écriture simplifiée, limitant l’action des primates à reprendre les ferveurs de « La Grande Evasion » pour dynamiser le dernier acte. On nous rappelle donc constamment que le récit présente son point de vue par rapport aux Singes. Alors que l’homme ne peut concéder la cohabitation avec une espèce qu’il juge dangereuse pour la sienne, le conflit se justifie. Il reprend nettement le dessus mais son entêtement est ce qui lui causera toujours sa perte, malgré la bonne intention. La question de légitimité dans les actions des humains n’interfère jamais directement notre jugement à leur égard.
Ainsi, « La Planète des Singes : Suprématie » illustre la conséquence directe des précédents volets. Bien que le divertissement reste de qualité au niveau visuel, il se laisse séduire par des facilités d’écritures qui manquent cruellement de subtilités… Toutefois, il faudra retenir que ce dernier volet reboot des écrits de Pierre Boulle est une machine autonome, portant à réflexion. Cet été est éprouvant physiquement et mentalement, succédant de lourdes sorties qui ne tiennent pas leurs promesses. Mais pour l’heure, Hollywood livre là, avec générosité, un spectacle grandiose de mise en scène qui fait couler autant d’encre que de larmes. De joie ou de tristesse, à votre bon sens d’en juger, car l’intérêt c’est d’y avoir goûté !