Le contrat diégétique de la saga - raccorder ce préquel aux épisodes précédents - semble avoir été mis de côté au profit d’ambitions esthétiques. Certes, on peut déplorer que l’une de ces ambitions est de calquer cette histoire d’une nouvelle humanité (celle des singes) aux exodes bibliques


(le peuple de singe, conduit par César/Moïse dans le désert, pratique pour raccorder avec la version de 69)


et de s’embourber hélas dans un jeu de parallèles un peu malheureux et malvenu : comment cette horde de singe, irradiée par la bonté de son leader, deviendra le peuple cruel et asservissant, dominateur-colonialiste, n’hésitant par à crucifier des humains, dans le film de Schaffner ?


Il fallait pourtant bien finir coûte que coûte la saga, d’où l’impression, au final, d’un certain bâclage scénaristique :


la régression humaine et son retour à un état primitif, expédiée en un dialogue et réduite à une quelconque mutation du virus un peu tirée par les cheveux, là où la logique du temps et les lois de l’évolution et de la sélection des espèces auraient menés à la même issue. Sauf que pour montrer cela, il aurait fallu un film entier, et focalisé uniquement sur les humains, alors que les enjeux de la saga auront été clairement de se focaliser sur les singes et leur « lutte des classes » sur fond d’évolution Darwiniste.


Conscient alors de la pauvreté de l’histoire, le film ose donc suspendre son récit principal (ou rajouter des contretemps un peu inutiles, puisque de toute façon l’issue est connue) pour explorer les méandres formels de ses thématiques : la question d’assimilation, de confusions ou de similitudes des espèces. La séquence d'ouverture en est exemplaire, quand les soldats infiltrent discrètement le poste de garde des singes et que la main ferme du primate Donkey surgit soudain derrière eux.


L’effet de surprise est très vite estompé, puisque ce personnage qui semblait infiltré se révèle être un traitre à son espèce.


Assurément un point fort de cet épisode, la multiplication de personnages secondaires, à priori inutiles à l’histoire, pour donner la possibilité de décliner ces différentes formes d’interaction et effets d’inversions entre les espèces: la fille muette, le "bad ape" bavard, etc. C’est avec la jeune fille que le jeu d’interaction atteint des sommets émotionnels simples.


C’est que, au travers de son lourd appareillage technologique, la saga de la Planète des singes new age, avec Andy Serkis en figure de proue, était un formidable laboratoire d’observation du mouvement pur - c'est à dire donner à l'acteur la pleine mesure d'un jeu entièrement basé sur son corps, l’obligeant à redoubler d’effort pour exister sous les capteurs numériques. C’est ce rapport au corps, injecté dans le processus même du tournage, qui rendait inévitable le thème de la confusion des espèces dans l’observation neutre des mouvements (une scène en témoigne: le Colonel, nouveau méchant incarné par Woody Harrelson, escaladant une montage de nuit, favorisant ainsi la confusion)


De ce fait, les films ont souvent tenté de faire avancer l’intrigue à coup de références visuelles, chargées de booster le compréhension des enjeux : on se souvient de la référence à la Prisonnière du désert de John Ford dans l’épisode 2 pour donner immédiatement à comprendre la tentative de (re)colonisation et de (re)conquête des espaces par les humains. C’est ici l’imagerie cinématographique de la guerre - les camps lors de la Seconde Guerre, le Vietnam - qui viennent à la rescousse. Le Colonel, surveillant le camp depuis son balcon, telle une tour d’ivoire, rappelle inévitablement le personnage de Ralph Fiennes dans La liste de Schindler. Mais aussi, une nouvelle fois, un emprunt à Ford : dans Les Raisins de la Colère, le cinéaste proposa un travelling lors de l’entrée dans le misérable camp de fortune, et c’est avec la même mise en scène que nous découvrons le camp des singes.


C’est dans cette pléiade de références et d’emprunts que cet ultime opus tente d’installer un terrain efficace d’un point de vue narratif pour laisser la liberté aux acteurs d’exploiter au mieux leur potentiel. On comprend alors que l’ambiguité que cultive le film - les singes peuvent être confondus avec les humains et inversement - n'est pas vraiment un processus moral. C'est un pur exercice formel d'un retour à la primitivité du dialogue et du jeu d'acteur. Il n'en fallait pas plus pour oublier le ratage scénaristique global et pour se laisser bercer par la simplicité de ces rencontres.

Alain_Zind
6
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le 26 juil. 2017

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Alain_Zind

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