A l’heure où « Dunkerque » de Christopher Nolan s’imposait comme le blockbuster de cet été, ce troisième et dernier volet de cette trilogie de « la planète des singes » des années 2010 s’impose haut la main comme l’un des blockbusters les plus audacieux et réussis de 2017.
Toujours avec le cinéaste Matt Reeves derrière la caméra, réalisateur de « Cloverfield » et du précédent volet, ce troisième épisode se place dans la continuité du second, autant sur le plan narratif que dans les choix de mise en scène. César (Andy Serkis, époustouflant derrière son maquillage numérique plus vraie que nature) et son peuple sont désormais en guerre, persécuté par l’armée et un commandant vraiment méchant, une sorte de fanatique religieux joué par un Woody Harrelson tout en finesse, décidé à exterminer les singes. César devient alors une sorte de symbole, un « Moise » qui dirige son peuple vers la liberté et la paix, Matt Reeves fait ici le choix de se concentrer plus sur les singes que sur les humains, là où le second volet opposé les deux points de vue dans une confrontation intelligente. Certaines critiques reprochent à Reeves de délaisser les humains au profit des personnages que l’on suit depuis le premier volet, mais ce n’est pas par défaut, loin de là. Le cinéaste a déjà questionné le point de vue humain dans « l’affrontement » en reprenant le questionnement entamé par « les origines » sous la caméra de Rupert Wyatt qui introduisait la confrontation entre les deux espèces. Reeves poursuit la confrontation de « l’affrontement » avec « Suprématie » en questionnant logiquement le personnage de César et ses tourments
(en donnant une relecture au personnage de Koba (Toby Kebbell, méconnaissable) et sur son point de vue des humains, donnant raison à la bêtise humaine que questionner la rancune de ce personnage qui apparaît dans ce troisième volet comme la part sombre de César)
. Si Reeves ne se concentre que sur le périple enduré par le peuple des singes, c’est parce que les humains ont scellé leur sort dans « l’affrontement » et que « Suprématie » se concentre sur une guerre qui aboutit à une réflexion entamée depuis le premier volet et qui se présente comme une conclusion.
Le cinéaste s’autorise la lenteur dans une mise en scène réfléchie, un véritable road-trip dans une Amérique où la nature a repris ses droits, filmé de manière très classique, comme un western sauvage, avant une deuxième partie qui se présente comme un film de guerre, avec des références à la guerre du Viêtnam (« Apes-pocalypse Now » hante ce film) et une représentation de l’humanité parfois terrifiante, plus sauvage que les singes, dont l’aliénation fait écho à l’Amérique actuelle (la construction d’un mur fait étrangement référence à l’ère Trump). Sur 2h20, Matt Reeves privilégie la contemplation dans une mise en scène intelligente et réfléchie pour que l’explosion du climax résonne plus fort sur le plan émotif, la lenteur pour mieux explorer la part sombre de son héros et les personnages secondaires qui bénéficient d’un développement depuis le premier film soignée (l’attachant personnage de Maurice, sa relation avec la petite Nova est probablement le meilleur développement émotionnel du film avec le personnage de César), pour conclure la trilogie sur un final grandiloquent, certes, mais auquel on adhère complètement après trois films solides.
Matt Reeves conclut la trilogie avec son épisode le plus abouti, formant un tout cohérent avec « l’affrontement » (« les origines » restant avant toutes choses un bon épisode d’introduction), « Suprématie » s’imposant comme un blockbuster audacieux, intelligent, d’un réalisme visuellement magnifique, faisant de cette trilogie un objet filmique respectable dans le paysage Hollywoodien actuel.