Tout le monde il est beau, tout le monde il est transgenre

Je vais éviter la méchanceté gratuite, je suis dans un bon jour. Qu’une réalisatrice de 38 ans propose un film qui sent la naphtaline est déjà assez surprenant. Quand, cerise sur le gâteau, la réalisatrice en question est la fille de Guy Bedos, donc la sœur de Nicolas, on est surpris par tant de gentillesse et de guimauve cinématographiques. Le père et le fils sont connus pour avoir la dent dure et un regard acéré sur les choses de ce monde. Quand Guy Bedos faisait un sketch sur l’adolescence c’était cruel, mais on s’y croyait. Nicolas Bedos, lui, a arrosé les plateaux télé, les journaux et les réseaux sociaux de chroniques bien décapantes, tellement décapantes qu’il s’est quelquefois excusé de les avoir écrites. Il a ensuite réalisé des films intéressants, toujours bien écrits à l’encre corrosive.

Avec La plus belle pour aller danser, signé Victoria Bedos, on se retrouve aux plus belles heures du Club Dorothée. Les décors sont rose bonbon, l’intrigue d’une niaiserie abyssale, les collégiens sont propres comme des sous neufs, pas un cheveu ou un poil qui dépasse. La musique est bien ringarde, on s’attend sans cesse à voir surgir Bernard Minet et ses Musclés au détour d’une scène. Les vieux acteurs, sortis de leur Ehpad le temps du tournage (Pauvre Guy Marchand !) s’ennuient copieusement en attendant la soupe du soir destinée à faire glisser leurs médicaments. Pierre Richard, en octogénaire gay, et Philippe Katerine, en papa dépassé par les événements, tentent vainement de sauver le navire mais le coeur n’y est pas, même la réalisatrice n’y croit plus. Brune Moulin, qui tient le premier rôle, est très mignonne, sa photogénie ne fait aucun doute, elle souffre malheureusement d’une direction d’acteur médiocre voire absente. Autant de niaiserie accumulée c’est presque un exploit, pourtant des films sur l’adolescence et le premier amour on en a vu des millions. La scène où la jeune fille de quatorze ans, déguisée en garçon (!), découvre qu’elle a ses règles atteint un sommet de lourdeur scénaristique. On est très très loin de Victor Victoria, un truc à faire passer La Famille Bélier, scénarisée aussi par Victoria Bedos, pour un authentique chef d’oeuvre du septième art.

Quant à la scène finale, je vends la mèche pour ceux qui voudraient encore voir ce film, c’est carrément « Tout le monde il est beau, tout le monde il est transgenre ». La culture woke, déjà omniprésente dans Un homme heureux du fils Séguéla, est en train de plomber le cinéma français. La finesse d’observation d’un Pialat ou d’un Truffaut c’était avant, aujourd’hui, sur nos écrans, Porthos est bisexuel, Aramis se met du rimmel et les collégiennes lisent Cioran. Nous sommes bien au-delà du simple exercice de style, j’ai bien peur que le conformisme ambiant soit exponentiel. Comme la connerie.

« J’ai passé une excellente soirée, mais ce n’était pas celle-ci » dixit Groucho Marx.

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le 14 mars 2024

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