Eu égard à ses richesses plastique et thématique, La Poupée mérite plus qu'une seule vision. Situé dans la Pologne de la fin du XIXe siècle, alors sous le joug russe (toute allusion à la Pologne de 1968 n'est pas fortuite), le film est une radiographie sociale sans concession où la richesse côtoie la misère (voir les travellings affolants dans des rues soumises au chaos urbain, où deux mondes se côtoient). Wojciech Has montre un univers de pantins, confits dans leur opulence ou leur noblesse héritée, via l'itinéraire d'un marchand, profiteur de guerre, et néanmoins humain, qui reste un parvenu qui n'arrive à rien, ni à intégrer un microcosme qui le méprise, ni à se faire aimer d'une jeune femme qui se joue de lui. Dans ce portrait d'un personnage dostoïevskien confronté à un monde viscontien, le cinéaste use de toute sa palette, réaliste, baroque, voire fantastique. La Poupée est ce que l'on appelle un film exigeant, de par ses ellipses, ses scènes surchargées et ses dialogues fournis, mais il en reste une forte et durable impression et l'envie de le revoir, sur le plus grand écran possible.