Quel film!
Une telle montée en puissance, en tension. Pour construire ce final grandiose, à ce point grandiose qu'il éclipse presque tout le reste du film. Entre le passage à tabac quasi mortel infligé au shérif Calder (Marlon Brando), "l'assaut" de la décharge à voiture, et cette ultime scène, fabuleuse de froideur, d'une dramaturgie sèche, "my son died this morning at 5 A:M". Hop générique. C'est ce que j'aime, aucun artifice, Arthur Penn nous envoie son film à la figure, la digestion d'une oeuvre aussi dense est bien difficile.
C'est rare, c'est très fort d'allier une telle critique sociale, un tel esprit de contestation sans tomber dans la facilité, et surtout d'allier cela à un film esthétique avec des décors et des personnages aussi fournis, aussi détaillés, aussi utiles à sa réussite. Tout est fluide, tout est logique, pas une seconde n'y est gâchée.
Brando (Calder dans le film) y est le symbole de la justice, premièrement du fait de son statut me direz vous, et surtout de salut pour Bubber (Robert Redford), lui qui ne sait rien de la haine que commence petit à petit à lui vouer sa ville. Calder est l'espoir qui faiblit, autant par le fait que son contrôle sur la situation diminue avec le temps que par son envie de fuir cette ville démoniaque. Lui qui avait été nommé shérif par ces mêmes gens de la haute qu'il hait.
Là où Penn frappe, c'est à quel point il renverse la situation. Le cas Bubber quitte notre esprit alors que c'est sur son évasion que repose le scénario et l'intrigue du film. On a presque l'impression que celui-ci est innocent comparé aux habitants de Tarl.
La tension habite ces bâtiments, ces murs, ces habitants. Tout peut exploser d'un moment à l'autre. Durant une soirée arrosée où un homme sort son pistolet; lorsqu'un noir passe près d'une bande de blancs. Cette "Poursuite" est finalement très statique, orchestrée dans un seul et même endroit: la ville.
L'arrivée de Bubber est assez comparable à celle du train dans Le Train sifflera trois fois, son attente façonne le film et fait son dénouement.
Tout laisse place à la tension, celle-ci monte crescendo durant les 2h15 que dure ce film.
C'est vraiment exceptionnel, c'est orchestré de bout en bout de main de maître. C'est implacable, impitoyable.
"On n'en fait plus des comme ça"