Mais, contrairement à ses homonymes franchouillards (et-tirés-par les-cheveux-de-ma-part-et-de-manière-un-poil-grossière), lui est un grand humaniste, et on sort d'un film d'Arthur (donc) regonflé par un souffle vivifiant, qu'elle qu'aient été l'intensité et la tension éprouvés lors de la vision d'un film comme la poursuite impitoyable.
L'histoire de cette poursuite (dont on préfèrera sans surprise le titre original "the Chase", autrement plus sobre) a été mille fois comptée.
Depuis l'origine du cinéma, les exemples abondent, et en général, plutôt bons. Un thème récurrent de westerns et un sujet de satires sociales plus récentes ont maintes et maintes fois montré le mécanisme terrifiant qui se met en place lors d'une chasse à l'homme, dont nos amis américains sont semble-t-il assez friands, quand la chaleur colle la chemise de sa nasse poisseuse qui a aussi pour nom l'ennui et quand l'alcool rend fort et fou le plus grand couard qui trouve alors là l'occasion de se jeter dans cette improbable heure de gloire ses ressources les plus extrêmes.
Le phénomène se reproduit donc ici sans qu'on ait l'impression de déjà-vu ou d'artifice redondant.
Parce que la première partie, magnifique, campe le décors et plante les graines du drame en devenir, avec une précision et une acuité digne d'un jardin à la française (pour rester dans la métaphore de la graine). Une présentation d'autant plus forte que ne seront pas forcément les salauds ceux qu'on croit (James Fox, magnifique). Et, en miroir, certains acteurs de ce drame se révèlent, acculés dans leurs derniers retranchements, pouvoir être des humains détestables, sous couvert, ou non, de respectabilité.
La réussite de la première partie prépare à la perfection un final tendu, oppressant, et inoubliable.
Ce qui contribue à la beauté de l'ensemble est non seulement la qualité d'écriture des personnage (scénario Lillian Hellman, d'après une pièce de Horton Foote, et il s'agit d'une des plus belles adaptation de pièce qu'il m'ait été donné de voir, tant on sent peu le matériaux et les contraintes de lieux originales) mais aussi leur interprétation !
Quelle distribution ! Brando, Jane Fonda, Redford, Fox, Duvall, Angie Dickinson !
Arthur Penn a l'occasion dans ce film de montrer toute la palette de ses nombreuses qualités, qualités que l'on retrouvera dans Bonnie and Clyde ou Alice's Restaurant, et l'humour en plus dans Little Big Man.
La force principale de ce film est que devant le drame qui se tisse, implacable, on ne soit pas envahi que de sentiments de dégouts ou de rejet vis-à-vis de ceux qui pourraient être nos congénères ou concitoyens, même parés de l'exotisme d'un bible-belt sixties: on comprend mieux, on se sent grandi et non sali d'un tel voyage. Le pouvoir que tire Val Rogers de son immense fortune est plus insidieux que conscient. C'est une des nombreuses et riches facettes de ce film grandiose et obsédant.
Au cas où vous seriez en quête d'un chef d'œuvre des années 60...