On s'essouffle à pointer les qualités évidentes des films, on s'obstine à sortir les scalpels, souvent en vain.
Comment capturer l'essence de ce qui bouleverse vraiment ? Comment emprisonner un sentiment ?
Je ne sais pas... Et c'est sans doute pour ça qu'on est minuscule, d'ailleurs.
En même temps, c'est pas simple. Ce mood qui éclaire, colorie l'arc-en-ciel, c'est pas toujours tangible, rarement quantifiable en vrai, car on n'a pas la formule magique.

Alors que là, mon ami, y a pas, c'est cramé. Enfin je trouve.

Regarde la bête, le félin. Il fixe un point qui s'agite, loin devant lui. Il laisse sa respiration se fondre à l'atmosphère et peu lui importe si le chemin est sinueux, il avance à pas de velours, sûr de lui, face au vent. Pourvu que tu sois une bestiole à son goût, il sera inflexible quand tu te débattras entre ses griffes, quand il jouera avec toi comme avec une boule de chiffon. Pourtant il n'est rien pour le détourner de sa proie.
Ce point qui palpite et fait scintiller ses pupilles, palpiter ses papilles.

Observe-le se mouvoir, souple et musculeux. Il laisse le vent le caresser comme le font parfois, quand on s'y abandonne, les mots qui font des phrases, ce coton hypnotique pour s'y lover, au bord d'une extase inespérée.

L'as-tu vu tuméfié ? Ravagé, seul contre tous, qui se dresse pour dire non.
As-tu noté les ramasses-miettes, qui se pressent, en quête de tout ce qu'il pourrait laisser sur le bord de la route ?
As-tu remarqué la liberté qui semble filer entre ses doigts ? Lui qui flotte quand tous les autres sont scellés à leurs marques, bétonnés, si près du sol, tandis qu'il s'envole et suspend le temps, arrêté à ses lèvres.
Il entretient le trouble, capture la vie dans la paume de sa main. L'enserre pour la protéger, s'éloigne pour trouver un terrain plus propice à son épanouissement, desserre son étreinte et souffle sur ces braises incandescentes. Ce feu médecine.

Doit-on évoquer la montagne ? Et son ombre gargantuesque qui, c'est troublant, écrase tout ce qui l'entoure. Elle se dresse massive, solide dans les turbulences, imposant son tempo, de sa voix de canard au phrasé saccadé, frissons garantis.
Il impose le respect et personne n'ose, pour une tonalité qui déconcerte ou une propension à déposer, ça et là, quelques points de suspension, se moquer. Les rires pourraient l'agacer.

Vois la nonchalance, l'empathie, le courage, la droiture et la fermeté.
Éclabousse toi de ce magnétisme.
Sens le souffle de celui qui s'invente sous tes yeux et dépose à tes pieds, scelle en ton cœur, autre chose que du jeu. Un peu de vie.

Contemple Brando.
DjeeVanCleef
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le 22 oct. 2014

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