My Darling Clementine est un remake de Frontier Marshal et il méritait d’être fait, car le premier film était fade et la bataille d’Ok Corral complètement bâclée. Ford apporte, ici, de la densité à ses personnages, de la tension dramatique à l’histoire et il offre une belle bataille finale.
Chez Ford, les personnages vivent non seulement à travers leurs paroles et leurs actes, mais aussi à travers le temps que la caméra prend à se poser sur les visages, à les scruter. Et ici, il y a des visages qui valent le coup : celui de Fonda bien sûr, qui campe un Wyatt Earp revu au prisme de la légende, celui de Victor Mature, campant un Doc Holliday qui a décroché de la vie mais aussi les figures patibulaires de papa Clanton et ses quatre garçons. Ils parlent peu, mais un simple regard suffit à faire comprendre que ce ne sont pas des tendres ! Quand ils parlent, ils ont besoin de peu de mots comme le père disant à l’un de ses fils : « Si tu dégaines, tue ton homme ! » Et lui sait y faire en la matière, quitte à tirer dans le dos !
Chez Ford aussi, la place est donnée au silence qui intervient pour laisser le temps de ressentir la tension qui monte et pour donner plus de poids aux paroles prononcées. En fait de paroles, la partie la plus riche est la séquence au cours de laquelle un acteur porté sur la boisson déclame solennellement du Shakespeare au milieu d’une bande de brutes. Doc Holliday prend la relève de l’acteur qui se perd dans son texte, déclamant à son tour un texte qu’il connaît par cœur. Un moment d’une grande densité qui nous fait percevoir l’écart entre le monde d’où vient Doc Holliday et celui où il a échoué.
Et enfin Ford nous offre une belle bataille finale avec des tirs bien fournis, après avoir pris le temps de la mettre en place. Ford a connu dans sa jeunesse le véritable Wyatt Earp et il l’a entendu raconter la fameuse bataille d’Ok Corral. Il dit l’avoir reconstituée telle qu’il en avait entendu parler, ce qui ne veut pas dire telle qu'elle a réellement eu lieu...
My Darling Clementine comporte de nombreuses inexactitudes, mais on le sait, les westerns nous servent de la légende, Ford le fait à sa manière, avec soin et avec art.